CASS. CIV. 3è, 4 juillet 2001

L’interdiction d’affecter un fonds à un usage déterminé peut revêtir le caractère d’une obligation personnelle.

Note de Monsieur Daniel SIZAIRE :

Dans le cas soumis à la Cour de cassation, il s’agissait de la vente d’un terrain comportant l’acceptation par l’acquéreur de l’interdiction faite aux divers commerçants qui viendraient s’installer sur le terrain vendu, de fabriquer ou vendre du pain et de la pâtisserie, dans leur forme artisanale et ce, quel que soit le type de commerce qui y serait exercé. Cette interdiction avait été reprise dans l’acte de vente de l’immeuble édifié sur le terrain, comprenant des locaux à usage commercial dans lesquels était exploité un supermarché. Les vendeurs du terrain invoquant le non-respect de la clause d’interdiction avaient intenté une action pour obtenir la cessation de ce manquement.

La Cour d’appel avait écarté cette demande après avoir relevé que l’interdiction n’était pas constitutive d’une servitude, en l’absence de détermination d’un fonds dominant, cette interdiction étant stipulée « pour le respect de la mémoire de M. Léon R ». Ainsi, pour déclarer nulle la stipulation litigieuse, la Cour d’appel avait retenu :

« qu’une convention de non concurrence, interdisant, sans limitation de temps, l’exercice d’une activité commerciale définie est licite si elle est restreinte à un lieu déterminé, qu’il s’agit, cependant, dans ce cas toujours d’une servitude établie par le fait de l’homme attachée à un fonds dans l’intérêt d’un autre fonds, et que faute d’avoir déterminé un fonds dominant bénéficiaire de la clause de non concurrence, cette clause est nulle. »

Au visa de l’article 686 du Code civil, ensemble l’article 1134 de ce code, la 3è chambre civile casse et annule, au motif :

« qu’en statuant ainsi, alors que l’interdiction faite à l’acquéreur d’un fonds immobilier de l’affecter à un usage déterminé peut revêtir le caractère d’une obligation personnelle, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

On s’arrêtera à cette décision au-delà de ce qu’elle peut, à première vue, avoir d’évident. Il faut la remettre dans son contexte.

La Cour d’appel avait vu dans l’interdiction d’un usage déterminé une convention de servitude nulle, faute de détermination d’un fonds dominant, cela en violation de l’article 686 du Code Civil, reproduit au visa de l’arrêt de la Cour de cassation :

« Attendu qu’il est permis aux propriétaires d’établir sur leur propriété ou en faveur de leur propriété, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds et pourvu que ces services n’aient d’ailleurs rien de contraire à l’ordre public. »

Ce qui est reproché à la Cour d’appel, c’est d’avoir placé la question exclusivement sur le plan de la servitude, en ne tenant pas compte de la convention. La cassation a été prononcée au visa de l’article 686 du Code Civil mais « ensemble l’article 1134 de ce code ».

L’arrêt de la 3è chambre civile du 4 juillet 2001 ne dit pas que la convention portant restriction de l’usage de l’immeuble ne peut pas constituer une servitude. Il dit simplement que l’interdiction peut constituer une obligation personnelle.

En l’occurrence, l’immeuble construit avait été vendu par un acte reproduisant la même clause que l’acte initial. Lors des mutations successives, l’engagement de l’acquéreur initial peut être repris par les acquéreurs successifs, à titre personnel. Cela n’a rien d’original.

Simplement, contrairement à ce qu’avait énoncé la Cour d’appel, la convention interdisant une activité déterminée n’est pas « toujours une servitude établie par le fait de l’homme ».

Source : Construction-Urbanisme, janvier 2002 page 17