Le cautionnement substitué à la retenue de garantie en matière de marchés de travaux possède un caractère spécifique et ne s’assimile pas au cautionnement des articles 2011 et suivants du Code Civil.
Note de M. SIZAIRE :
Dans le cadre d’une opération de construction poursuivie par une société HLM et réalisée par un groupement d’entreprises, le dispositif de la retenue de garantie en matière de marchés de travaux de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 est remplacé par un cautionnement fourni par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Normand (CRCAM) qui se porte caution solidaire pour le montant de la retenue légale de garantie comme l’article 1er, alinéa 4, de la loi précitée en donne la faculté.
Après mise en redressement judiciaire d’une entreprise avant l’achèvement des travaux, les désordres réservés à la réception et ceux révélés dans l’année qui a suivi, affectant le lot de cette entreprise dont le contrat avait été résilié, sont réparés par une autre entreprise, la société CMEG qui en demande le paiement au maître de l’ouvrage, la société HLM, et subsidiairement la CRCAM appelée en garantie par le maître de l’ouvrage.
La Cour d’appel ayant condamné la CRCAM à payer l’entreprise CMEG, subrogée dans les droits de la société d’HLM, la CRCAM se pourvoit en cassation, faisant valoir que l’établissement financier, qui a souscrit le cautionnement de l’article 1er, dernier alinéa, de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, peut exciper de l’extinction, par application de l’article 53, dernier alinéa de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, de la créance du maître de l’ouvrage contre l’entrepreneur.
…/…
Effectivement, le maître de l’ouvrage, bénéficiaire du cautionnement, n’ayant pas régularisé de déclaration de créance au passif de l’entreprise contrairement à l’article L.621-43 du Code de commerce, sa créance qui n’avait pas donné lieu à relevé de forclusion, se trouvait éteinte et la caution pouvait opposer aux créanciers toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal (C. civ., art. 2036).
Néanmoins, la 3è chambre civile rejette le pourvoi dans les termes suivants :
« Attendu que par le cautionnement solidaire substitué à la retenue de garantie, l’établissement financier agréé à cet effet s’oblige, en cas de défaillance de l’entrepreneur, à garantir contractuellement l’exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves à la réception faites par le maître de l’ouvrage ; qu’ayant exactement relevé que l’engagement de la CRCAM possédait un caractère spécifique et ne s’assimilait pas au cautionnement prévu par les articles 2011 et suivants du Code Civil, la Cour d’appel en a déduit à bon droit que sa mise en œuvre n’était pas soumise à une déclaration préalable de créance en cas de redressement ou de liquidation judiciaire de l’entrepreneur. »
Ce faisant, la 3è chambre civile élargit encore le domaine de la notion jurisprudentielle de garantie autonome, telles que la garantie de livraison au prix convenu du contrat de construction d’une maison individuelle (Cass. 3è civ. 4 oct. 1995), la garantie extrinsèque d’achèvement de la vente en l’état futur (Cass. 3è civ., 4 octobre 1995), la garantie extrinsèque d’achèvement de la vente en l’état futur (Cass. 3è civ., 12 mars 1997), la garantie exigée des personnes exerçant des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles : administrateurs de biens, syndics, agents immobiliers (Cass. Ass. Plén. 4 juin 1999), avec pour effet que ces garanties ne disparaissent pas du fait du redressement ou de la liquidation judiciaire du débiteur garanti.