Une cour d’appel qui a relevé que deux sociétés, dont la première est propriétaire de parcelles de terre et la seconde titulaire d’un bail à construction sur l’une de ces parcelles, souhaitaient réaliser concomitamment la vente de leurs droits retient, à bon droit, que le droit de préemption de la commune ne peut concerner le bail à construction et que la transmission simultanée du terrain et du droit au bail ne peut y faire échec et en déduit exactement qu’il ne peut être fait grief au notaire chargé de la rédaction des actes de ne pas avoir fait apparaître la solidarité voulue par les deux sociétés venderesses dès lors que cette condition était inopposable à la commune pour l’exercice de son droit de préemption.
La responsabilité de l’architecte qui a attesté, de manière inexacte, que les travaux étaient au stade du hors-d’eau terminé, est engagée vis à vis des acquéreurs et des établissements de crédit, les acquéreurs n’étant pas tenus de solliciter la garantie de l’assureur dommages-ouvrage préalablement à la mise en cause des locateurs d’ouvrage.
Note de M. PERINET-MARQUET : L’architecte établissant une attestation ne correspondant pas à la réalité de l’avancement des travaux engage donc, sans surprise, sa responsabilité, tant auprès des acquéreurs que des banquiers ayant prêté l’argent destiné à la réalisation de la construction.
Mais l’intérêt principal de l’arrêt est dans la définition même de l’attestation inexacte. Une conception purement quantitative de l’achèvement des travaux était mise en avant par l’architecte, la fin d’une tranche de travaux, quelle que soit leur qualité, suffisant pour permettre la délivrance de l’attestation. Elle ne pouvait être admise, sauf à voir se développer la réalisation de travaux bâclés, uniquement faits pour permettre le versement le plus rapide possible des sommes encore dues. La Cour de Cassation choisit donc, fort à propos, une conception plus exigeante, qualitative, de l’achèvement. Ne peuvent être considérés comme valablement achevés et ne peuvent donc faire l’objet d’une attestation valable d’achèvement, que des travaux qui, non seulement sont quantitativement terminés, mais s’avèrent conformes tant aux règles de l’art qu’aux prescriptions contractuelles ou réglementaires.
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En l’espèce, les faits prêtaient difficilement à discussion. Le tracé de la charpente n’était pas conforme aux plans établis pour la demande de permis de construire, la hauteur du faîtage étant supérieure de 80 centimètres à celle prévue, la charpente était sous-dimensionnée et les fermes déjà déformées, ce qui prouvait qu’elles n’étaient pas adaptées au simple poids des tuiles et, enfin, la pente de la toiture n’était pas conforme, selon les prescriptions des fabricants, aux tuiles plates dont elle était revêtue, entraînant un risque, par fort vent ou lors de la fonte des neiges, d’infiltration dans le bâtiment. La réfection totale de la toiture devait donc être envisagée car elle n’était pas conforme à sa destination.
La Cour de Cassation étend donc considérablement la notion d’attestation de complaisance, en y incluant celles relatives à des travaux non conformes à la destination ou portant atteinte à la solidité de l’immeuble. Elle oblige donc, par ce biais, les architectes à effectuer un contrôle préalable de qualité lors de chaque déblocage des tranches de fonds.
L’arrêt fournit une autre information intéressante, confirmant une opinion généralement admise. Malgré la présence, depuis 1978, dans le système législatif de l’assurance dommages-ouvrage, les maîtres d’ouvrage ou les acquéreurs ne sont pas tenus d’actionner, préalablement à toutes autres actions, l’assureur de dommages. L’assureur dommages-ouvrage est, certes, un préfinanceur. Cependant, ce préfinancement ne saurait être systématique et il serait paradoxal que les constructeurs responsables tentent d’évacuer les conséquences de leur faute en s’abritant derrière le parapluie offert par l’assurance dommages-ouvrage. Cette dernière a parfois été considérée comme « la sécurité sociale » du bâtiment. Elle ne saurait être, en toute hypothèse, sa « vache à lait ».