CASS. CIV. 3è, 28 juin 2000

Note de Mme SAINT-ALARY-HOUIN :

Deux époux avaient consenti, pour vingt trois ans, un bail à construction à une société de tourisme. Celle-ci avait cédé partiellement son droit, issu du bail à construction, à une autre société qui a emprunté auprès d’une banque, moyennant une garantie sur les biens acquis selon la convention partielle de bail à construction, pour payer le prix de cession. Mais, le solde du prix n’ayant pas été réglé, le preneur a délivré un commandement de payer à la société cessionnaire. Celle-ci a formé opposition à ce commandement.

Par un précédent arrêt, la Cour d’appel de Basse-Terre a débouté le cessionnaire et constaté la résolution de la cession de bail à construction.

Or, entre-temps, la banque qui avait pris l’hypothèque sur les immeubles construits a cédé sa créance hypothécaire à une autre société. C’est pourquoi, la banque et le créancier subrogé ont fait opposition à l’arrêt prononçant la résolution du contrat de cession de bail à construction.

Leur tierce opposition a été rejetée. Les sociétés ont donc formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Si le bail à construction prend fin par résiliation judiciaire ou amiable, les privilèges et hypothèques nés du chef du preneur et inscrits avant la publication de la demande en justice tendant à obtenir cette résiliation ou avant la publication de l’acte ou de la convention la constatant ne s’éteignent qu’à la date primitivement convenue pour l’expiration du bail. Les sociétés estiment que ces dispositions sont applicables à l’hypothèque inscrite par la banque en garantie du prêt qu’elles avaient consenti au cessionnaire du bail à construction. Par conséquent, en refusant d’admettre ce report de la créance hypothécaire, la Cour d’appel aurait violé l’article L.251-6 du Code de la Construction et de l’Habitation.

…/… 

Cependant le pourvoi est rejeté et la Cour de cassation juge que « la cour d’appel a retenu, à bon droit, que les dispositions de l’article L.251-6 du Code de la Construction et de l’Habitation ne devaient pas recevoir application au-delà de leurs propres prévisions, lesquelles ne visent que la résiliation du bail et ne concernaient pas une opération totale ou partielle de bail à construction, qui se réalise entre cédant et cessionnaire indépendamment du bailleur ».

Cette décision est parfaitement justifiée.

L’article L.251-6 du Code de la Construction ne vise, en effet, que l’hypothèse où le bail à construction est résilié avant le terme. Dans un souci de protection du créancier qui a pris une sûreté sur l’immeuble, il prévoit le maintien des sûretés jusqu’à la date d’expiration du bail initialement prévue. Mais cette disposition n’a pour objet que de limiter les conséquences d’une résiliation judiciaire.

En revanche, dans le cas présent, l’opération était une cession du contrat de bail à construction, cession très largement facilitée par le législateur afin de permettre au preneur à bail à construction de réaliser son opération. Mais la cession, comme le remarque très justement la Cour de cassation, n’intéresse que le cédant et le cessionnaire, c’est à dire le preneur à construction et le cessionnaire d’une partie de ce bail à construction.

La cession n’intéresse aucunement le bailleur et le contrat de bail n’est pas résilié en cas de transmission.

Source : RDI, 2001 n° 1 page 40