CASS. CIV. 3è, 27 juin 2001

Le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, et sauf faute extérieure au contrat, est contractuellement tenu de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles.

Note de M. Daniel SIZAIRE :

On sait que « si lourde que soit la faute, la responsabilité contractuelle de droit commun des architectes, entrepreneurs et autres locateurs d’ouvrages ne peut être invoquée, sauf dol ou faute extérieure au contrat, au-delà des délais prévus à l’article 2270 du Code Civil » (Cass. 3è civ., 23 oct. 1994).

Il faut donc faire la distinction entre la faute, même lourde, et le dol ou la faute extérieure au contrat.

Le présent arrêt qui se rapporte à la faute dolosive, dont il fournit des exemples, fait une distinction entre celle-ci et la faute extérieure au contrat.

I – En l’occurrence, une société immobilière (SCI) avait vendu en l’état futur d’achèvement une maison. Suite à des désordres apparus après expiration du délai décennal de responsabilité de l’article 2270 du Code Civil, les acquéreurs avaient assigné en réparation le vendeur, l’entrepreneur et le maître d’œuvre. Ceux-ci faisaient grief à la Cour d’appel d’avoir accueilli la demande des acquéreurs malgré l’expiration du délai décennal, écarté en raison selon elle de la faute dolosive de chacun des intéressés, savoir :

1) L’entrepreneur avait délibérément changé non pas le mode d’exécution des fondations mais la nature de celles-ci, dont l’absence de facture démontrait l’acte délibéré ;

2) Le maître d’œuvre avait délivré une attestation d’achèvement des fondations alors que celles-ci n’étaient pas conformes au descriptif ;

3) Le Maître de l’ouvrage avait vendu en commettant un mensonge sur la qualité des fondations, renforcé par la remise de l’attestation, contraire à la réalité, du maître d’œuvre.

Au pourvoi en cassation, les intéressés faisaient valoir notamment que la faute dolosive est une faute volontaire, commise consciemment dans l’intention de nuire ou du moins de provoquer le dommage, qui n’était pas caractérisé en l’espèce.

La 3è chambre civile déclare le moyen non fondé. 

II – L’arrêt retiendra spécialement l’attention par la distinction qu’il fait entre d’une part la faute dolosive et d’autre part la faute extérieure au contrat : « le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu … de sa faute dolosive ».

Cela paraît satisfaisant sur le plan juridique tout au moins in abstracto, mais non sur le plan pratique. En effet, si la responsabilité délictuelle se prescrit par 10 ans avec – à la différence de la responsabilité décennale de l’article 2270 du Code Civil – pour point de départ le jour de la manifestation du dommage ou de son aggravation (C. civ., art. 2270-1), en revanche le délai de prescription en matière contractuelle est de 30 ans (C. civ., art. 2262).

Source : Construction-Urbanisme, novembre 2001 page 12