Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social ; les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants sont inopposables aux tiers, sans qu’il importe qu’ils en aient eu connaissance ou non.
Note de M. François-Xavier LUCAS :
Par cet important arrêt de principe du 24 janvier 2001, la Cour de cassation apporte une intéressante précision relative à l’étendue des pouvoirs des dirigeants de société. Même si la solution ne bouleverse pas les principes établis, elle présente le mérite d’exprimer une règle qui n’offre désormais plus prise à la contestation.
La SCI MALAMA GONESSE avait donné à bail à la société VGC DISTRIBUTION des locaux à usage commercial. Ceux-ci ayant été détruits par un incendie, le gérant de la SCI avait conclu avec le preneur un nouveau bail. La SCI lui reprochait d’avoir, en passant ce contrat, dépassé ses pouvoirs. Un article des statuts interdisait en effet au gérant de décider seul d’exécuter de « gros travaux ». Or, la conclusion du nouveau bail faisait peser sur la société bailleresse l’obligation de remettre les locaux en état et, partant, de réaliser ces « gros travaux » dont le gérant ne pouvait prendre seul l’initiative. Sensible à l’argument, la Cour d’appel de VERSAILLES avait considéré que le dirigeant avait commis un excès de pouvoir. Elle avait cru pouvoir en déduire l’inexistence du bail, refusant, par ailleurs, de regarder le cocontractant comme un tiers de bonne foi de sorte que le dépassement de ses pouvoirs par le gérant pouvait lui être opposé.
Son arrêt est cassé pour violation de l’article 1849, alinéas 1 et 3, du Code Civil. L’excès de pouvoir invoqué résultait de la violation d’une clause statutaire imposant au gérant de ne pas décider seul certaines opérations. Or, comme le rappelle la Haute juridiction, « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social » et « les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants son inopposables aux tiers ». Fort logiquement la cour retient que la clause limitant les pouvoirs du gérant était inopposable aux tiers – et en particulier au preneur – et elle ajoute « sans qu’il importe qu’ils en aient eu connaissance ou non ». C’est cette dernière précision qui donne à l’arrêt toute son importance.