CASS. CIV. 3è, 22 mars 2000

L’acquéreur est recevable dans le délai d’un an de l’article 1648, alinéa 2 du Code Civil à intenter contre le vendeur l’action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l’expiration du délai de l’article 1642-1.

Note de M. SIZAIRE : L’arrêt rapporté, de cassation, est fort important au sujet de la portée de la responsabilité du vendeur d’un immeuble à construire au titre des vices apparents à l’époque de la livraison.

Il faut recadrer la question. En raison de la particularité de la vente à construire, l’article 1642 du Code Civil, qui dispose que :

« Le vendeur n’est pas tenu des vices apparents dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ». ne pouvait lui être applicable puisqu’au moment de la vente l’immeuble, qui en est l’objet, n’est pas achevé.

Il est dérogé au droit commun de la vente par l’article 1642-1 ainsi rédigé :

« Le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents. »

Corollairement, il est prévu un délai d’action spécifique, dérogatoire au bref délai de l’article 1648 du Code Civil, par le deuxième alinéa dudit article ainsi rédigé :

« Dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents. »

Quelle est la portée exacte de l’expiration du délai de l’article 1642-1 ?

…/… 

L’article 1648, alinéa 2, relatif à l’action en garantie, ne peut être dissocié de l’article 1642-1 auquel il se réfère. La simple logique conduit à reconnaître qu’il en résulte une distinction entre garantie et action ; que l’article 1642-1 fixe un délai garanti tandis que le 2è alinéa de l’article 1648, ainsi qu’il l’indique lui-même, fixe un délai d’action de sorte que l’acquéreur dispose d’un délai minimum de garantie d’un mois après la prise de possession, éventuellement prolongé jusqu’à la réception des travaux par le vendeur ; que pour ce qui est des désordres apparus à l’intérieur de ce délai, l’acquéreur dispose à l’encontre du vendeur d’une action dans les conditions de l’article 1648, alinéa 2 ; que pour ce qui est des désordres apparus postérieurement à l’expiration du délai de l’article 1642-1, il ne s’agit plus de vices apparents au sens dudit article.

Dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt rapporté, il était fait grief à la CA d’avoir considéré que si l’action au titre du deuxième alinéa de l’article 1648 avait bien été introduite dans le délai légal d’un an, elle ne pouvait s’appliquer à des désordres qui n’avaient pas été dénoncés dans le délai prévu par l’article 1642-1, mais postérieurement. Au visa de l’article 1642-1 du Code Civil, ensemble l’article 1648, alinéa 2, de ce code, la 3è chambre civile casse et annule au motif :

« Qu’en statuant ainsi, alors que l’acquéreur est recevable pendant un an à compter de la réception des travaux ou de la prise de possession des ouvrages à intenter contre le vendeur l’action en garantie des vices apparents, même dénoncés postérieurement à l’écoulement du délai d’un mois après la prise de possession, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Par conséquent, contrairement à ce que l’on avait pu éventuellement imaginer (Cass. 3è civ., 4 juin 1998), la Cour de Cassation considère que les vices apparents peuvent, dans le délai d’un an de l’article 1648, alinéa 2, être dénoncés postérieurement à l’écoulement du délai d’un mois après la prise de possession et la réception des travaux. Cela ne veut pas dire que n’importe quel désordre puisse être dénoncé postérieurement au délai de l’article 1642-1. Comme il a été exposé ci-dessus, cela concerne seulement les vices apparus à l’intérieur de ce délai, avant son expiration, à l’exclusion de ceux qui seraient apparus postérieurement.

Source : Construction-Urbanisme, juin 2000 page 6