CASS. CIV. 3è, 21 novembre 2000

« Attendu que la Cour d’appel a , par ces motifs propres et adoptés, légalement justifié sa décision en retenant, par interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté des termes du cahier des charges rendait nécessaire, qu’il ressortait des articles 5 et 6 de ce document que les constructions édifiées à l’intérieur du Parc de Maisons-Laffitte devaient être à destination résidentielle, mais qu’il n’était pas interdit de bâtir des immeubles d’hébergement collectif, que le cahier des charges avait pour objet essentiel de prohiber toute activité entraînant des nuisances par le bruit et par l’odeur incompatibles avec la destination de l’ensemble et que la preuve de telles nuisances n’était pas rapportée. »

Note de M. Jean-Louis BERGEL :

L’interprétation des servitudes de « construction bourgeoise » et des « clauses d’habitation bourgeoise » a toujours suscité des incertitudes, sinon des contradictions, notamment dans des lotissements anciens et très résidentiels qui ont alimenté des contentieux aussi pléthoriques que ceux du « Hameau Boileau », du Parc de la Muette ou du Parc Henri de Rothschild… Elles impliquent des constructions d’aspect agréable, de bonne qualité architecturale et interdisent d’y installer des entreprises commerciales et des établissements bruyants et insalubres. Ainsi, les clauses d’un cahier des charges ne prévoyant que l’édification exclusive de « construction à usage d’habitation bourgeoise » interdisent de construire des établissements industriels et même commerciaux (CA PARIS, 11 juin 1963 ; Cass. 1ère civ., 30 janvier 1961).

Dans l’affaire tranchée le 21 novembre 2000 par la Cour de cassation, le cahier des charges du Parc de Maisons-Laffitte, établi en 1834, y imposait des « maisons d’habitations ». La SCI Bellevue prétendait pouvoir y édifier une « maison de retraite ». La Cour d’appel de Versailles a considéré que cela ne portait pas « atteinte au caractère résidentiel du parc que le cahier des charges a, dans son esprit, vocation à préserver ».

On a observé, en doctrine, que « l’habitation bourgeoise signifie avant tout habitation familiale et privée. Si le lotisseur a imposé une servitude de construction bourgeoise, c’est qu’il a voulu que chaque lot ne soit occupé que par une famille, et uniquement pour se loger, et non par un nombre élevé d’occupants » (M. Dagot, La clause d’habitation bourgeoise, JCP 1967.I.2108). Mais la jurisprudence ne se montre pas, pour autant, insensible à l’évolution économique et sociale. C’est ainsi que la Cour de Paris avait admis dans une affaire très significative que « si, en 1861, des particuliers favorisés par la fortune pouvaient entretenir … des hôtels parisiens … comprenant cinquante chambres et dix salons, en raison des circonstances économiques actuelles …, il est bien peu d’entre eux qui peuvent actuellement occuper de pareilles demeures… ». Elle en avait conclu que, « de même que des colonies de vacances sont installées dans des châteaux, ce sont désormais des cercles ou des associations qui occupent les spacieux hôtels parisiens » (CA Paris, 2 décembre 1953). L’arrêt de la troisième chambre civile du 21 novembre 2000 a admis, dans le même sens, qu’une maison de retraite, en dépit de son caractère collectif et de ses équipements sanitaires, commerciaux et de services, était compatible avec le concept de maison d’habitation dans un ensemble résidentiel du XIXè siècle.

Source : RDI 2001 n° 2 page 147