L’acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage est une cause autonome d’exonération.
Note de M. Philippe MALINVAUD :
L’acceptation délibérée des risques par le maître de l’ouvrage est désormais consacrée par la jurisprudence comme une cause spécifique d’exonération de la responsabilité des constructeurs, autonome par rapport à l’hypothèse de l’immixtion fautive d’un maître de l’ouvrage notoirement compétent.
Cette jurisprudence correspond à une idée de bon sens : il est naturel que le maître de l’ouvrage, dûment averti des risques encourus, par exemple en choisissant tel procédé au lieu de tel autre, et qui passe outre les mises en garde qui lui sont adressées, ne puisse s’en prendre qu’à lui-même.
Il est responsable des conséquences du choix qu’il a fait, dés l’instant que ce choix a été fait en connaissance de cause.
En l’espèce, le maître de l’ouvrage, clairement informé par le contrôleur technique et par l’entreprise des risques graves encourus par les cloisons et le dallage, avait néanmoins décidé en toute connaissance de cause de retenir pour les sols la solution Latexfalt, prenant ainsi le risque de survenance des désordres en raison des tassements prévisibles du sol.
Le risque annoncé s’étant réalisé, le maître de l’ouvrage recherchait la responsabilité des uns et des autres sur différents fondements.
Il soutenait tout d’abord que les différents constructeurs, parfaitement conscients des risques encourus, auraient dû refuser d’exécuter les travaux.
Il soutenait ensuite qu’à tout le moins les constructeurs auraient dû solliciter « une décharge expresse de responsabilité valant renonciation non équivoque à tout recours en indemnisation susceptible d’être opposée à l’assureur dommage-ouvrage ».
Il soutenait également qu’il ne pouvait y avoir d’exonération des constructeurs qu’en cas de compétence notoire du maître de l’ouvrage, ce qui n’était pas le cas.
Enfin, confirmant sa jurisprudence antérieure (Cass. 3e civ., 9 juin 1999), la Cour décide que la cause d’exonération joue à l’égard de tous les constructeurs, et non pas seulement à l’égard de ceux qui l’ont mis en garde, ici le bureau de contrôle et l’entreprise.
Autrement dit, l’acceptation délibérée des risques est une cause d’exonération objective, qui joue même au profit de ceux des constructeurs qui n’ont pas formulé de réserves et qui, de ce fait, ont manqué à leur obligation de conseil, ce qui était le cas en l’espèce de l’architecte, du concepteur des structures et du directeur des travaux.