CASS. CIV. 3e, 20 mars 2002

Un propriétaire a intenté une action en démolition contre le propriétaire d’un fonds contigu fondée sur un empiétement de cinq millimètres d’une partie de la clôture séparative.

En refusant d’ordonner la démolition en raison du caractère minime de l’empiétement, alors que la mesure de celui-ci n’a pas à être prise en compte, la cour d’appel a violé l’article 545 du Code civil.

Note de M. Jean-Claude PLANQUE :

1 – Depuis le début des années 1960 la jurisprudence est clairement fixée par la Cour de cassation. Dès qu’un empiétement est constaté, le propriétaire qui en est victime peut demander et doit obtenir la démolition de la partie qui empiète sur son fonds. Cette solution jurisprudentielle paraît sévère à double titre.

En premier lieu, elle l’est par ses conséquences car la destruction de la partie qui empiète entraînera, dans certains cas, la ruine de l’ensemble de l;a construction. Cela signifie qu’un empiétement, qui peut être minime, peut provoquer la démolition d’un immeuble entier.

En second lieu, cette solution paraît également très sévère dans ses conditions d’application. En effet, jusqu’alors, la Cour de cassation a toujours rejeté les éléments de défense présentés, quelles que soient les circonstances de réalisation de l’empiètement. Ainsi, la bonne ou la mauvaise foi du constructeur n’est pas susceptible de jouer un rôle dans la décision du juge, il s’agit d’une « responsabilité objective ».

La Cour de cassation refuse également d’admettre que le silence gardé par le propriétaire lésé pourrait valoir consentement et on ne peut donc pas reprocher à celui-ci de ne pas avoir agi avec plus de célérité ou d’avoir attendu l’achèvement des travaux pour faire valoir son droit.

Dans le même ordre d’idées, la jurisprudence considère qu’elle n’a pas à rechercher si l’empiétement a réellement causé un préjudice, ce qui implique que la mesure de l’empiétement, si minime soit-il, n’est pas prise en compte comme le montre l’arrêt commenté où l’empiétement était de cinq millimètres.

2 – Cette sévérité, si choquante qu’elle puisse paraître, notamment en raison des conséquences qui peuvent découler de la démolition, n’est que le résultat de l’application des textes actuellement en vigueur. En effet, face à un empiétement constaté, la démolition est la seule issue offerte par la loi.

Se rencontrent deux tempéraments à la sévérité de la règle de la démolition face à toute forme d’empiétement.

Le premier résulte de la résistance des juges du fond à la solution dégagée par la Cour de cassation.

Le second tient au fait que s’il est possible d’invoquer la prescription acquisitive, la démolition ne pourra plus être ordonnée

Source : JCPN 2002 n° 48 page 1651