CASS. CIV. 3è, 1er mars 2000

C’est à bon droit qu’une cour d’appel, après avoir exactement relevé que l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 accorde au locataire, pour réaliser la vente et donc réunir les fonds nécessaires au paiement du prix, un délai de deux mois, voire de quatre mois en cas de recours à un prêt, retient qu’en faisant obligation aux locataires, en cas d’acceptation de l’offre de vente, de consigner à titre d’indemnité d’immobilisation 10 % du prix, le bailleur a, dans son congé, abrégé les délais accordés au locataire pour réunir les fonds et subordonné l’accomplissement de cette offre à une condition incompatible avec les dispositions d’ordre public de ladite loi, causant ainsi grief aux locataires en les privant de leur droit effectif de préemption.

Note de M. Didier CHAIGNE :

1. La sanction est lourde, car elle a pour conséquence de reconduire le bail au profit du locataire, pour une durée de trois ou six ans et aux conditions antérieures du contrat de location. Pour l’une ou l’autre de ces durées, il est ainsi fait échec à la volonté du bailleur de vendre son bien immobilier libre de tout occupant.

2. Cette sanction est maintenue par l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de Cassation. En l’espèce, ce n’est pas tant la liaison du congé et de l’offre de vendre qui pose difficultés, que l’effectivité du droit de préemption du locataire, fondé sur l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989. Il s’agissait, pour la Cour de Cassation, de décider si le congé avec offre de vendre de l’article 15-II pouvait stipuler le paiement, par le preneur, d’une indemnité d’immobilisation au profit du bailleur, en cas d’acceptation de l’offre par le preneur. Dans le silence de la loi du 6 juillet 1989, le propriétaire d’un appartement donné à bail s’y est cru autorisé. La troisième chambre civile, d’un avis manifestement contraire, rejette le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’Appel de PARIS et confirme les motifs adoptés par cette dernière : le congé pour vendre est annulé, au motif que la stipulation litigieuse est une « condition incompatible avec les dispositions d’ordre public de ladite loi ». En l’espèce, le grief causé aux preneur résultait de la privation de leur « droit effectif de préemption ».

Source : LES PETITES AFFICHES, 1er septembre 2000 page 10