Un bailleur avait adressé un congé avec offre de vente à son locataire, au visa de l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989. Il était stipulé que l’acceptation de cette offre devait être assortie de la consignation d’une indemnité d’immobilisation équivalente à 10 % du prix.
A l’occasion d’une action en déclaration de validité, intentée par le bailleur, le locataire a invoqué la nullité du congé, faisant valoir que la subordination de l’acceptation au versement d’une partie du prix était illégale, d’une part, et que la nullité affectant la clause d’indemnité d’immobilisation rendait nul le congé lui-même, d’autre part.
La Cour d’appel ayant donné gain de cause au locataire, le bailleur a introduit un pourvoi que la Cour de cassation a rejeté.
Note de M. COLLART-DUTILLEUL : Une telle décision appelle plusieurs observations.
Tout d’abord, en liant la réalisation de la vente et « la réunion des fonds nécessaires au paiement du prix », la Cour de Cassation va au-delà des exigences de l’article 15-II et à l’encontre des pratiques en vigueur en matière de vente immobilière. La vente issue de l’exercice d’un droit de préemption est une vente amiable ordinaire, dont ni la réalisation ni le transfert de propriété ne sont subordonnés au paiement du prix. Rien n’interdit a priori aux parties de stipuler un paiement à terme comme de prévoir, conformément à l’usage, le versement anticipé d’un dépôt de garantie ou d’une indemnité d’immobilisation d’un montant raisonnable. Un tel versement se justifie dans la mesure où le vendeur est en droit de se garantir contre un acquéreur – fût-il locataire -, qui, après avoir consenti, ferait défaut lors de la réalisation de la vente. On peut même considérer qu’il fait partie des « conditions de la vente projetée » que le bailleur doit indiquer dans l’offre de vente à peine de nullité (art. 15-II, al.1). Par ailleurs, un tel versement ne remet pas en cause le droit, pour le préempteur, de recourir à un prêt, conformément aux dispositions de l’article 15-II (al. 3).
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Ensuite, la décision rendue par la cour de Cassation conduit à conférer au locataire des avantages qui vont au-delà de la loi. Celle-ci ne profite au locataire qu’au regard de la priorité d’achat que le droit légal de préemption lui confère. C’est nécessaire ; c’est l’essentiel ; c’est tout ; cela permet au locataire qui fait le choix de préempter de ne pas avoir à quitter son logement tout en respectant les intérêts du propriétaire décidé à vendre. Mais dès lors qu’il souhaite préempter, le locataire ne doit être placé ni dans une situation défavorable par rapport à un acquéreur ordinaire (il ne doit pas payer plus cher ni supporter des conditions plus lourdes), ni dans une situation plus favorable. Or un acquéreur ordinaire aura à verser, lors de la signature de l’acte sous seings privés (promesse unilatérale ou synallagmatique), un dépôt de garantie ou une indemnité d’immobilisation d’un montant raisonnable (environ 10 % du prix selon l’usage). Pour quelles raisons le locataire devrait-il en être dispensé ?