CASS. CIV. 3è, 15 décembre 1999

La « servitude de cour commune » créée pour satisfaire aux prescriptions des règlements ne profite pas à un fonds dominant et a un caractère perpétuel.

Note de M. SIZAIRE : L’arrêt donnera lieu à des commentaires. Il est vrai qu’une servitude sans fonds dominant a de quoi surprendre le juriste. Mais les servitudes dont l’article L.451-1 du Code de l’Urbanisme, énoncent qu’elles sont dites « de cour commune » ne sont pas à proprement parler des servitudes, tout au moins au sens de l’article 637 du Code Civil, ce que confirme évidemment l’arrêt rapporté. Certes, en pratique, elle pourra prendre la forme d’une servitude, se traduisant par des interdictions de bâtir ou de surélever affectant un fonds pour permettre de construire sur un autre fonds, mais cela afin d’assurer le respect des normes en matière de construction, le respect du droit de l’urbanisme. Objectivement il s’agit de charges imposées à une propriété par des dispositions légales qui, à défaut d’un accord amiable, seront imposées par voie judiciaire (C. Urb., art. L.451-1), non pas pour l’utilité du fonds sur lequel les constructions seront édifiées mais, comme dit l’arrêt rapporté, « pour satisfaire aux prescriptions des règlements ».

On peut se poser la question de savoir si l’arrêt n’a pas une portée plus large qui serait dans la ligne de la reconnaissance d’une charge réelle, ayant un caractère perpétuel, à la fois unilatérale et autonome.

En l’espèce, les propriétaires de trois immeubles distincts s’étaient obligés envers la Ville de PARIS à aménager entre eux et à maintenir à perpétuité, dans ces immeubles, des cours et des courettes, en continuité, d’une certaine superficie, libres de toute construction. Par la suite, beaucoup plus récemment, un immeuble avait été placé sous le régime de la copropriété. Entre temps, les cours de cet immeuble avaient été bâties dès 1928. Le règlement de copropriété avait été établi en conséquence et les cours qui avaient été couvertes de constructions constituées en lots.

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Pour la 3ème chambre civile :

« Mais attendu qu’ayant constaté que la « servitude de cour commune » avait été créée pour satisfaire aux prescriptions des règlements, qu’elle ne profitait pas à un fonds dominant et qu’elle avait un caractère perpétuel, la CA qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes a retenu, à bon droit, sans violer les dispositions relatives aux servitudes et au statut de la copropriété, qu’instituée dans l’intérêt de la collectivité, l’obligation de maintenir cours et courettes libres de construction s’analysait comme une charge grevant à perpétuité le fonds de l’immeuble du 114 boulevard Raspail et s’imposait au syndicat des copropriétaires. »

Il semble bien que la 3ème Chambre civile considère que la « servitude de cour commune » créée pour satisfaire aux prescriptions des règlements en matière de construction et d’urbanisme se perpétue indépendamment du statut du foncier, indépendamment des modifications pouvant affecter celui-ci et même si les différents fonds ont été réunis entre les mains d’un seul copropriétaire ce qui, s’il s’agissait d’une véritable servitude, aurait eu pour effet son extinction (C. Civ., art. 705) alors qu’en revanche elle peut se conserver s’il s’agit non plus d’une servitude mais d’une charge unilatérale grevant des terrains « à perpétuité ».

Dans le contexte, la 3ème Chambre civile se prononce ainsi sur l’opposabilité à la copropriété :

« Attendu … qu’ayant relevé que le traité de 1906 s’imposait au syndicat des copropriétaires comme charge grevant à perpétuité l’immeuble, la CA en a exactement déduit que le règlement de copropriété de cet immeuble ne pouvait contrevenir à ce traité et que les clauses de ce règlement contraires à la charge instituée dans l’intérêt de la collectivité devaient être réputées non écrites. »

Source : JCPN 2000 n° 16 page 682