La Cour de Cassation approuve la CA d’avoir distingué deux ordres de réglementation, la première contractuelle constituée par le cahier des charges et la seconde réglementaire, constituée par le règlement. L’insertion du règlement dans l’acte de vente n’implique pas ipso facto que les parties ont contractualisé les règles d’urbanisme du lotissement.
Note de M. BENOIT-CATTIN : L’arrêt de la troisième chambre civile du 15 décembre 1999 témoigne des oscillations de la jurisprudence sur la nature juridique des documents d’un lotissement. Alors même que, conceptuellement, la distinction entre le contrat et l’acte administratif unilatéral de caractère réglementaire ne pose pas de difficulté majeure, les errements de la pratique et les hésitations des tribunaux ont favorisé le glissement d’une catégorie à l’autre et provoqué la confusion des genres.
Comme l’a justement relevé Madame MASSON-DAUM, la nature de l’acte doit d’abord dériver de celle du document qui l’accueille, conformément, d’ailleurs, à la partition entre cahier des charges et règlement, clairement voulue par les auteurs du Code de l’Urbanisme depuis 1959. C’est sur la base de ce principe que le cahier des charges présente toujours une nature contractuelle, que n’éteint pas son éventuelle approbation administrative. Ainsi préservé, en raison de sa nature, de la caducité édictée par l’article L.315-2-1, il conserve sa vigueur et possède la force obligatoire des contrats (Cass. 3è Civ., 17 déc. 1997). Pour le même motif, les dispositions contenues dans un règlement approuvé par l’administration ont une nature réglementaire et participent de la police administrative de l’urbanisme (Cass. 3è civ., 11 janvier 1995).
Mais ce critère de qualification peut s’avérer pernicieux lorsque le document est repris, entièrement et partiellement, dans un acte de nature différente : l’application du principe peut alors conduire à la conclusion que le règlement reproduit dans un cahier des charges, ou dans un acte de vente, acquiert une dimension contractuelle parallèle, les prescriptions qu’il édicte épousant la nature de l’acte qui les contient. Cette théorie d’une « contractualisation au second degré » a suscité des réactions contrastées.
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La première chambre civile s’y est montrée hostile : adoptant une position tranchée, sa jurisprudence érige en système la distinction entre le contrat et le règlement et refuse d’admettre l’absorption du second par le premier (Cass. 1ère civ., 8 octobre 1986 – 25 juin 1991). La troisième chambre a en revanche développé une jurisprudence inverse en n’excluant pas une contractualisation du règlement en cas de reproduction dans le cahier des charges (Cass. 3è civ., 22 mai 1996) ou en cas d’annexion à l’acte de vente (Cass. 3è civ., 18 mai 1983) allant récemment jusqu’à l’affirmer à l’occasion de sa reprise dans l’acte de vente (Cass. 3è civ., 4 nov. 1998).
L’arrêt du 15 décembre 1999 rompt avec ce courant jurisprudentiel.
En approuvant la CA d’avoir distingué « deux ordres de réglementation, la première contractuelle, constituée par le cahier des charges et la seconde réglementaire, constituée par le règlement » la troisième chambre prend désormais en considération, comme la première, les caractères particuliers du droit des lotissements. La mixité du lotissement, contrat de droit privé ayant pour l’objet une division foncière et opération d’aménagement générant l’édiction (facultative) d’une norme d’urbanisme complétant le POS, ne justifie aucunement le mélange des genres entre ces deux ordres, dont l’un ressortit à l’intérêt particulier des colotis tandis que l’autre poursuit un but d’intérêt général, qui font appel à des procédés juridiques opposés par leurs sources et leurs régimes respectifs, le premier étant gouverné par le principe de l’intangibilité des contrats, le second par celui de la mutabilité des règlements administratifs. Confondre les objets du règlement et du contrat aboutit à réintroduire l’hérésie juridique qu’a constituée l’approbation des cahiers des charges entre 1959 et 1978.