Ayant retenu, à bon droit, que si, dans le cas d’une vente en l’état futur d’achèvement, le transfert de propriété sur le terrain et les constructions existantes s’opère le jour de la vente, ce transfert ne s’effectue pas sur les ouvrages non encore réalisés.
La Cour d’Appel, qui a constaté que la décision de classement portait sur la carrière et sur les sols correspondants, et que la demande de permis de construire modificatif était intervenue avant cette décision, a pu en déduire que le transfert des risques ne s’opérait sur le bien acquis que lors de la livraison des immeubles construits, et qu’avant celle-ci les risques pesaient sur le vendeur, qui en était débiteur.
Note :
En matière de vente d’immeuble à construire, il est unanimement admis qu’en cas de défaut de conformité de l’immeuble avec les dispositions du contrat l’acquéreur est en droit d’exercer l’action en résolution pour inexécution. S’agissant d’une action fondée sur le défaut de conformité elle relève, non du régime de la garantie des vices des articles 1642-1 et 1646-1 du Code Civil, mais du droit commun de l’article 1184 (Cass. 3è civ., 28 juin 1995 – 14 mai 1997 – 10 novembre 1998). Notamment il appartient au juge de décider si le défaut de conformité est d’une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat.
Mais le vendeur peut-il échapper à la résolution, ou du moins à ses conséquences, en démontrant que l’inexécution est due à un événement qui ne lui est pas imputable ? En bref, qui du vendeur ou de l’acquéreur doit supporter les risques affectant la conformité de l’immeuble à construire, et survenant entre le jour de la vente et celui de la livraison ? Telle est la question de droit qui était soumise à la cour de Cassation dans la présente espèce.
On enseigne classiquement qu’en principe les risques pèsent sur le débiteur qui n’a pu exécuter son obligation : « res perit debitori ». A ce principe l’article 1138 du Code Civil apporte une exception, dans le cas où l’obligation est de livrer un corps certain, auquel cas les risques sont pour le créancier de la livraison lorsqu’il est devenu propriétaire : « res perit domino ». Breviatis causa, on a coutume de dire que le transfert des risques est lié au transfert de propriété, que les risques pèsent sur l’acquéreur dès lors qu’il est devenu propriétaire.
Peut-on appliquer ces principes en matière de vente d’immeuble à construire et, plus spécialement de vente en état futur d’achèvement où il y a dissociation entre la date du transfert de propriété et la date de la livraison ? Les risques pèsent-ils sur le vendeur au motif qu’il est débiteur de la livraison d’un ouvrage conforme lors de l’achèvement, ou sur l’acquéreur au motif qu’il devient propriétaire de l’ouvrage au fur et à mesure de sa réalisation ?
Par le présent arrêt du 11 octobre 2000, la Cour de Cassation prend pour la première fois position sur la charge des risques dans la vente en l’état futur d’achèvement. Mettant l’accent sur l’obligation de construire qui pèse sur le vendeur, elle applique la règle res perit debitori : la charge des risques pèse sur le vendeur jusqu’à la livraison, ou du moins jusqu’au jour où l’acquéreur aura été mis en demeure de prendre livraison. Implicitement il faut comprendre qu’en matière de vente d’immeuble à construire le transfert de la propriété ne s’accompagne pas nécessairement d’un transfert corrélatif des risques.
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La solution est d’autant plus exemplaire qu’en l’espèce l’acquéreur n’était pas un profane, mais un professionnel de la promotion immobilière, et que le vendeur, tout en étant en charge de la gestion d’un patrimoine important, n’était pas à proprement parler un professionnel. Mais, s’agissant d’une question de principe, sa solution ne pouvait dépendre de la qualité respective du vendeur et de l’acquéreur. On l’a déjà vu à propos du régime renforcé de la vente en état futur d’achèvement qui s’applique de la même manière au professionnel, à l’investisseur institutionnel ou au promoteur, et au simple particulier. On ne saurait ici ajouter à la loi des conditions qu’elle ne comporte pas ; si les risques sont à la charge du vendeur d’immeuble à construire, ils le sont quelle que soit sa qualité.