Les conditions mises à l’engagement de la banque de ne pas exercer ses droits hypothécaires à l’encontre des acquéreurs n’ayant pas été respectées, les acquéreurs sont personnellement tenus de verser à la banque les sommes payées à tort directement au vendeur.
Note de M. Daniel SIZAIRE : Les deux arrêts rapportés, rendus le même jour en termes identiques, attirent l’attention sur le problème pratique de la mainlevée des inscriptions au titre des sûretés réelles (privilège, hypothèque) inscrites sur le bien vendu en l’état futur d’achèvement.
Une opération de construction implique la mise en place d’un financement antérieurement à la commercialisation, généralement garanti par une hypothèque conventionnelle aussi bien que par le privilège du prêteur, donnant lieu à une inscription sur le terrain et les constructions réalisées sur celui-ci.
Normalement, au fur et à mesure de la conclusion des ventes en l’état futur d’achèvement, lesquelles entraînent un transfert immédiat de propriété, il devrait être procédé à la mainlevée des inscriptions en garantie du financement « promoteur » inscrites sur les lots vendus.
La pratique a cherché à reporter la formalité de mainlevée, d’une part en raison de la complexité et du coût des opérations au fur et à mesure des ventes, et d’autre part afin de conserver la sûreté originale jusqu’à remboursement des crédits.
Pour garantir l’acquéreur, la pratique a mis en place un dispositif consistant à prévoir dans la convention de prêt conclue entre la banque et le promoteur-vendeur que la banque :
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– ne pourra exercer ses droits hypothécaires à l’encontre des acquéreurs qui satisferont aux obligations leur incombant en vertu de l’acte d’acquisition ;
– qu’en cas de défaillance d’un acquéreur, elle ne pourra exercer le droit de préférence résultant de son hypothèque qu’à concurrence seulement de la fraction du prix de vente restant due par l’acquéreur ;
– s’engage à donner mainlevée de l’inscription lui profitant sur les lots vendus dès que le prix aura été intégralement payé par l’acquéreur concerné ;
le tout sous condition que le prix soit versé directement entre les mains de la banque ou du notaire.
C’est un dispositif de ce genre qui avait été mis en place dans les espèces ici rapportées.
Une banque avait consenti des ouvertures de crédit, destinées à assurer le financement de l’opération et garanties par une inscription hypothécaire sur le terrain et les immeubles à bâtir. Mais les acquéreurs avaient en fait effectué les paiements entre les mains de la SCI venderesse, laquelle avait été placée en liquidation judiciaire. La banque avait déclaré sa créance hypothécaire et poursuivi les divers acquéreurs au titre de la partie du prix de vente qui ne lui avait pas été versée.
On se trouvait en présence du dispositif initié par la pratique fondé sur la stipulation par le vendeur (stipulant) de la banque (stipulé) au profit de l’acquéreur (bénéficiaire) dont l’acceptation par ce dernier vaut convention entre lui et la banque.
Les acquéreurs n’avaient pas respecté l’obligation qui leur était faite d’effectuer les versements du prix d’acquisition, au fur et à mesure de la réalisation de la construction, entre les mains soit du notaire soit de la banque. Ainsi ils ont pu, à titre personnel, être condamnés à verser à celle-ci les sommes payées à tort directement au vendeur.