CASS. CIV. 3è, 10 mai 2001

Par dérogation aux articles 1736 et 1737 du Code Civil, les baux soumis aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 (C. com., art. L.145-1 à L.145-60) ne cessent que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l’avance. Les articles L.145-5 et L.145-9 du Code de commerce (D. 30 sept. 1953, anc. Art. 3-1 et 5), fixent la forme et les délais à respecter pour donner congé par le preneur qui a conservé la faculté de résiliation triennale.

La stipulation d’un préavis d’un an, n’affectant pas le droit au renouvellement du bail, est valable. Viole dès lors les textes précités, la Cour d’appel qui, considérant que si les parties ont la liberté d’aménager ou de supprimer le droit du preneur de dénoncer le bail par anticipation, elles ne peuvent, sauf usages locaux contraires, convenir d’un préavis minimal d’un an.

Note de M. Joël MONEGER :

Dans la présente affaire, le locataire avait dans un premier temps donné congé conformément aux stipulations contractuelles par lettre recommandée avec accusé de réception avant de délivrer un exploit d’huissier aux mêmes fins. Le débat devant les juges ne portait donc que sur la longueur du délai qui devait être respecté par le preneur. Les bailleurs considéraient que la stipulation d’un délai de préavis pour l’exercice du droit de résiliation unilatérale à l’issue d’une période triennale ne privait nullement le preneur de son droit, mais leur assurait seulement une saine gestion dans le temps des locaux loués. Le preneur, ignorant de l’inefficacité de la première signification, n’avait pu respecter le délai de préavis d’un an, mais avait pu signifier son congé aux fins de résiliation triennale par acte extrajudiciaire dans le délai minimal de six mois prévu par l’article L.145-4, alinéa 2 (D., anc. Art. 3-1, al.2). Il avait tenté avec succès auprès de la cour d’appel de faire valoir la lecture de ce texte (CA PARIS, 16è ch. A, 17 fév. 1999). 

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La Cour de cassation, au double visa des articles L.145-9 et L.145-15 du Code de commerce, sanctionne ce retranchement qu’elle qualifie de violation de la loi. Pour la Haute Juridiction, les délais n’ont pas de caractère impératif dès lors que n’est pas en péril le droit au renouvellement, prérogative essentielle du preneur dans le statut des baux commerciaux depuis 1926.

Dès lors que le droit au renouvellement n’est pas mis en cause, aux termes de l’article L.145-15 (D., anc. Art. 35), les parties ont la liberté de stipuler un délai supérieur au délai minimal prévu par l’article L.145-9 (D., anc. art. 5) pour régler l’exercice du droit de résiliation unilatérale du preneur en fin de période triennale. Il faut en effet considérer qu’il ne résulte de cette stipulation qu’une réduction du droit de donner congé en fin de période triennale alors qu’il est licite de stipuler un délai supérieur au délai minimal prévu par l’article L.145-9 (D., anc. Art. 5) pour régler l’exercice du droit de résiliation unilatérale du preneur en fin de période triennale. Il faut en effet considérer qu’il ne résulte de cette stipulation qu’une réduction du droit de donner congé en fin de période triennale alors qu’il est licite de stipuler la suppression pure et simple de ce droit.

Confondre l’exigence d’une anticipation raisonnable dans l’exercice du droit avec la privation du droit, comme l’a jugé la Cour d’appel de PARIS, n’est pas conforme aux textes, la censure de l’arrêt était inévitable. Le preneur bénéficie d’une prérogative dérogatoire au droit commun. Il ne subit pas d’atteinte à son droit fondamental au renouvellement. Il accepte seulement une limitation réduite du droit à résiliation unilatérale d’accord avec le bailleur.

Source : JCPN 2001 n° 50 page 1830