CASS. CIV. 3è, 10 janvier 2001

Une part de responsabilité peut être laissée au maître d’ouvrage dès lors que sa faute a constitué une cause d’aggravation des désordres ayant concouru pour partie à la réalisation du préjudice.

Note de M. Hugues PERINET-MARQUET :

Les constructeurs supportent, au titre de leur responsabilité spécifique, une présomption de responsabilité dont ils ne peuvent se dégager que par la preuve d’une cause étrangère.

Parmi ces causes étrangères figure le fait du maître d’ouvrage, qu’il s’agisse d’une immixtion, laquelle suppose alors la compétence notoire, ou d’une prise de risques beaucoup plus facilement admise et plaidée aujourd’hui. Mais immixtion et prise de risque ne constituent pas les seuls moyens offerts aux constructeurs de se dégager de leur responsabilité à l’égard du maître d’ouvrage. La faute de ce dernier peut, en effet, être prise en compte comme le montre l’arrêt commenté.

En l’espèce, une partie d’un immeuble est vendue en l’état futur d’achèvement pour abriter l’activité d’un centre sportif et artistique, notamment de danse. Les propriétaires voisins s’étant plaint, avec succès, de nuisances acoustiques, les acquéreurs se retournent contre les architectes et l’entrepreneur ayant posé les parquets. Les constructeurs font alors remarquer, ce qui avait été noté dans le rapport d’expert, que les propriétaires des lieux ont procédé à l’installation de bancs de musculation et que ces travaux, faits en effectuant des percements et des fixations importants dans la structure de l’immeuble, contrairement au règlement de copropriété, sont la cause des gênes occasionnées. Les propriétaires n’ont, de plus, pas respecté leurs engagements pris auprès de l’expert de procéder aux travaux préconisés et se sont contentés d’intercaler de la mousse sous le banc de musculation et derrière les enceintes acoustiques. Ces éléments ont été considérés comme suffisants pour permettre aux constructeurs de se dégager, pour partie, de leur responsabilité.

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La faute du maître d’ouvrage n’en devient pas pour autant un nouveau cas d’exonération de responsabilité que pourraient invoquer les constructeurs. Prise de risques, immixtion et faute ne se situent pas au même niveau. En effet, dans cette dernière hypothèse, le comportement reproché au maître d’ouvrage n’est pas antérieur ou concomitant à la réalisation des travaux mais postérieur à la réception de ceux-ci. Il est donc totalement extérieur à la réalisation de l’ouvrage.

Source : REP. DEFRENOIS, 2001 n° 13 page 874