CASS. CIV. 3e, 10 Avril 2002

Ayant exactement retenu que l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, pris en application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, impose à l’exploitant d’une installation de remettre le site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article 1er de la loi susvisée, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que cette obligation de remise en état d’une installation classée, résultant d’une obligation particulière, commençant avec la déclaration faite par l’exploitant à l’administration, en l’espèce par la locataire, et s’achevant avec le nettoyage des cuves à la fin de l’exploitation, est à la charge du preneur.

Note de M. Bruno WERTENSCHLAG :

En 1987, la société civile immobilière du Port loue des locaux à usage de stockage et de distribution de produits pétroliers au profit de la société Agip Française.

Trois ans après, Agip donne congé, usant sans doute de la faculté de résiliation triennale prévue par le Code de commerce.

Puis, en 1995, Agip procède à des opérations de nettoyage, dégazage et de dépollution, dont elle demande ensuite le remboursement à la SCI, laquelle on le comprend à travers l’arrêt, refuse de s’exécuter.

La cour d’appel de Montpellier décide que l’obligation de remise en état d’une installation classée, résultant d’une obligation particulière prévue par l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977, pris en application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, est à la charge du preneur et condamne Agip à payer les conséquences dommageables du non-dégazage et dépolluage des caves.

Le demandeur alléguait que le locataire ayant pris possession des lieux loués, sans que ces derniers aient fait l’objet d’une dépollution, il ne pouvait pas être tenu au regard du droit commun du bail, de prendre en charge les frais de remise en état du site imposée par l’administration.

L’arrêt de la cour d’appel avait donc violé l’article 1730 du Code civil, relatif à l’obligation du locataire de restituer le bien tel qu’il l’a reçu.

La Cour de cassation ne répond pas vraiment à cet argument.

Il ne suffit pas en effet de qualifier la remise en état d’obligation particulière pour en conclure qu’elle pèse sur le locataire.

L’obligation de remise en état de l’obligation de restitution sont distinctes.
C’est donc une chose d’affirmer que la première incombe au locataire en tant qu’il est exploitant, mais c’en est une autre de mettre à sa charge définitive les frais d’élimination de pollutions qu’il n’aurait pas causées, comme existant déjà lors de son entrée en jouissance.

On peut traduire le raisonnement en termes d’obligation et de contribution à la dette.

Vis-à-vis de l’administration, le débiteur obligé à la dette de remise en état est certes le locataire dernier exploitant de l’activité ayant causé la pollution.

Le locataire doit donc assumer cette tâche, et il ne saurait opposer à l’Etat le fait que la pollution aurait été causée par un exploitant antérieur, dès lors que ce locataire a été régulièrement substitué dans la précédente exploitation.

Mais, une fois assumée cette obligation légale de remise en état, le locataire conserve le droit de demander au propriétaire de contribuer aux frais avancés, le locataire n’ayant pas à supporter contractuellement les conséquences d’une pollution qui existait lors de son entrée en jouissance.

Il est bien clair que cette action, au titre de la contribution, posera de redoutables problèmes de preuve.

Il n’est que d’imaginer un site sur lequel trois exploitants auront successivement mené la même activité, utilisant les mêmes produits et causant les mêmes pollutions.

Il sera alors très délicat de définir et prouver la part respectivement prise dans cette pollution par les trois différents exploitants.

Pour parer à cette difficulté de preuve, il conviendra que les parties dressent un audit environnemental à l’entrée dans les lieux et règlent dans le bail la question de la charge d’une éventuelle pollution supplémentaire.

Source : AJDI, Décembre 2002 page 843