Une banque avait consenti un prêt, garanti par une hypothèque, au propriétaire d’un immeuble, assuré comme il se doit contre l’incendie. La maison ayant brûlé, un autre créancier pratiqua une saisie conservatoire, dont la banque demanda la mainlevée en se prévalant de l’article L.121-13 du Code des assurances. On sait que le premier alinéa de ce texte accorde au créancier titulaire d’une sûreté réelle grevant un bien assuré le report de sa sûreté, par subrogation réelle, sur l’indemnité d’assurance représentative du bien, si celui-ci vient à être sinistré.
Mais la banque avait commis l’erreur assez inexcusable de n’avoir pas encore averti, au jour de la saisie conservatoire, l’assureur de l’existence de l’hypothèque. Or la saisie produit indisponibilité de la créance saisie au profit du saisissant. En conséquence, une cour d’appel jugea que la banque s’était, par sa négligence, privée de la faculté d’opposer l’article L.121-13 au saisissant. Le pourvoi de la banque a été rejeté par l’arrêt commenté au motif que « l’opposabilité du droit propre au paiement de l’indemnité d’assurance, institué par l’article L.121-13 du Code des assurances, est subordonné à une demande de paiement adressée à l’assureur par le créancier intéressé.
Note de M. Gilbert LEGUAY :
D’âpres discussions ont eu lieu dans le passé sur le point de savoir, s’agissant de sûretés dans l’opposabilité aux tiers est subordonnée à une publicité, si une sûreté publiée, telle une hypothèque ou un gage sur automobile, ne devait pas être réputée connue de l’assureur. Mais la question a été tranchée, d’une façon qui semble définitive, par un arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 1969 : l’assureur n’a à tenir compte des sûretés grevant le bien assuré que dans la mesure où elles ont été préalablement portées à sa connaissance.
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Ce n’était, au demeurant, que faire application du deuxième alinéa de l’article L.121-13, lequel dispose que « les paiements faits de bonne foi avant opposition sont valables ». Le tout est de ne pas prendre le terme d’opposition dans un sens technique (lequel d’ailleurs ?), mais de l’entendre comme synonyme d’avertissement adressé en temps utile, c’est à dire avant le paiement ou une saisie rendant indisponible, l’indemnité d’assurance, par le créancier concerné à l’assureur.
L’arrêt ici commenté n’a fait que reprendre cette solution. Mais il nous semble présenter un intérêt supplémentaire par rapport à l’arrêt de principe de 1969, celui de résoudre, même si c’est quelque peu implicite, une question que l’on se pose parfois à propos de l’article L.121-13 : que décider si l’assureur a eu, avant paiement, connaissance de l’existence de la sûreté autrement que par une notification émanant de son titulaire ? Cela suffit-il à ce que l’assureur soit dans l’obligation de s’interdire tout autre paiement qu’à ce dernier ? Le pourvoi posait clairement la question puisque, dans l’une des quatre branches du moyen unique, il faisait valoir qu’il n’avait pas été répondu à des conclusions par lesquelles la banque, en appel, avait soutenu que l’assureur, même non officiellement averti de l’existence de l’hypothèque, la connaissait en réalité fort bien. Or la Cour de cassation n’a pas spécialement répondu sur ce point, se contentant d’observer que la banque n’établissait pas avoir manifesté à l’assureur, dont la bonne foi n’avait pas été contestée, sa volonté de recevoir l’indemnité d’assurance.