CASS. CIV. 2ème 28 Mai 2003

Il pèse sur le bailleur la charge des travaux ordonnés par l’Administration, à moins que ceux-ci soient devenus nécessaires en raison de l’utilisation que le locataire a faite des locaux et des installations.

Note de M. Lionel ASCENSI :

Aux termes de l’article 1719 2° du Code Civil, le bailleur a l’obligation d’entretenir la chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, l’article 1720 al. 2, ajoutant qu’il doit réaliser, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.

Hormis donc les réparations locatives et l’hypothèse de la destruction de l’immeuble en tout ou en partie qui entraîne la résiliation du contrat pour perte de la chose louée (art. 1722 C. Civ.), il pèse sur le propriétaire l’essentiel de la charge des réparations, sauf clause contraire. Il en résulte, notamment, que les réparations rendues nécessaires par un événement présentant les caractères de la force majeure incombent au bailleur (art. 1755 C. Civ., a contrario).

Lorsque des travaux sont prescrits par l’autorité administrative, la Cour de Cassation juge de façon constante que ces travaux sont en principe à la charge du propriétaire, sauf stipulation contractuelle expresse contraire (3e Civ. 12-03-1985). Néanmoins, il a été jugé (3e Civ 20-06-1989) que le bailleur n’avait pas à supporter la charge de travaux qui n’avaient pas pour objet de rendre les locaux conformes à leur destination contractuelle et « n’étaient devenus nécessaires qu’en raison de l’utilisation que le locataire faisait de ces locaux« .

Il en va différemment cet arrêt du 28 mai 2003 puisque le preneur exploitait dans le local donné à bail un café-restaurant et que cette destination était précisément visée par le contrat. Si la Haute juridiction a approuvé la Cour d’Appel d’avoir mis à la charge du preneur l’obligation de réaliser les travaux ordonnés par l’Administration, cela ne saurait donc être sur le même fondement.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation relève en effet non pas que le locataire a fait une utilisation des lieux qui différait de la destination contractuelle, mais s’intéresse au comportement de celui-ci.

S’il pèse sur le bailleur l’obligation de réaliser les travaux prescrits par l’Administration, cette obligation ne saurait aller jusqu’à l’obliger à les réaliser lorsque ceux-ci sont devenus nécessaires en raison de l’utilisation insatisfaisante que le preneur fait des lieux, au mépris de son obligation d’usage en bon père de famille. Une interprétation contraire reviendrait à vider cette obligation de sa substance et à faire peser sur le bailleur l’obligation de réparer les conséquences de l’inexécution contractuelle commise par son locataire.

En définitive, si l’utilisation que le locataire a faite des locaux peut permettre au bailleur de s’exonérer de son obligation de réalisation des travaux prescrits par l’autorité administrative, cette notion « d’utilisation » renvoie à deux réalités différentes : le propriétaire échappera en effet à son obligation si les travaux ont pour objet de mettre les lieux en conformité avec une destination qui diffère de leur destination contractuelle ou si ces travaux ont été rendus nécessaires par l’utilisation défectueuse des lieux réalisée par le locataire.

Source : AJDI, Septembre 2003 page 577