Le droit de propriété, tel que défini par l’article 544 du Code civil et protégé par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), est limité par le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage.
Cette restriction ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit protégé par la CEDH.
Note de Mme Hélène BOUCARD :
En 1966, les époux Y. firent édifier près d’une route départementale une villa dotée d’un « environnement campagnard« , avec vue sur des prés bordés d’arbres. En 1985, ce panorama laisse place à l’implantation d’un centre commercial sur la propriété du voisin d’en face, M. X.
Aussi, en 1998 puis en 1999, les époux Y. se plaignent en justice de nuisances liées aux bruits, aux odeurs et au « paysage détestable » qu’ils subissent depuis lors. Ils sollicitent une expertise auprès du juge des référés, et assignent devant le juge du fond M. X. ainsi que la SCI Eldu, les SA Biena et SARL Denentzat en réparation de leur préjudicie. A cette fin, les demandeurs invoquent à la fois les articles 1382, 1383 et 1384, alinéa 1er, du Code civil, l’abus du droit de propriété et la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage.
Sur ce fondement, leurs prétentions sont en partie accueillies par un jugement du Tribunal de Grande Instance de Bayonne du 20 novembre 2000, puis par un arrêt de la Cour d’appel de Pau du 8 avril 2002. Cette décision fait l’objet d’un pourvoi incident par les époux Y. et d’un pourvoi principal formé par M. X. et les sociétés Eldu, Biena et Dementzat.
Ce dernier, le seul sur lequel statue la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt du 23 octobre 2003, allie deux séries de griefs qui se voient pareillement rejetés.
En admettant la responsabilité de M. X., la Cour d’appel aurait tout d’abord violé les articles 544 et 1382 du Code civil, et l’article 1er du Premier Protocole additionnel du 20 mars 1952 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.
La question est ainsi posée de la comptabilité de la construction prétorienne des troubles anormaux de voisinage avec, d’une part, la protection interne du droit de propriété et, d’autre part, la protection européenne du droit au respect des biens. L’arrêt dénie sans surprise la violation de l’article 544 du Code civil, et, de manière inédite, celle de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention.
Le pourvoi reproche encore à la Cour d’appel, dans la mise en œuvre de la responsabilité, un défaut de réponse à conclusions et donc la violation de l’article 455 du NCPC ainsi que de l’article 6 de la Convention européenne imposant un procès équitable, enfin la méconnaissance des articles 1382 du Code civil et L. 2224-13 CGCT.
Mais la Cour de cassation écarte également ces arguments, en rappelant que le juge du fond dispose d’un pouvoir souverain dans le traitement des troubles anormaux de voisinage, qu’il s’agisse d’apprécier leur existence ou d’assureur leur réparation.