CASS. CIV. 2ème 19 Juin 2003

L’expert immobilier qui surévalue de manière importante un immeuble offert en garantie d’un prêt, engage sa responsabilité quasi-délictuelle vis-à-vis du tiers qu’est le prêteur, pour lequel la valeur ainsi fixée a été un facteur déterminant de son engagement.

Note de M. Henri HEUGAS-DARRASPEN :

Quel dommage un expert immobilier, ayant surévalué un bien immobilier pris en garantie d’un crédit, occasionne-t-il au prêteur non lié à lui par un quelconque contrat ?

Une Société à Responsabilité Limitée (SARL) obtient le 1er septembre 1989 un prêt, en contrepartie de plusieurs garanties, dont un cautionnement hypothécaire de second rang provenant d’une Société Civile Immobilière (SCI) sur un bien évalué par une expertise réalisée avant l’octroi du crédit le 17 mai 1989.

A la suite de la mise en redressement judiciaire de ces SARL et SCI, le bien immobilier ainsi évalué a été cédé ultérieurement pour un prix très inférieur à l’évaluation (dans un rapport de un à plus de quatre), ne permettant pas de rembourser quoi que ce soit de la créance déclarée du prêteur. Celui-ci a assigné en responsabilité l’expert immobilier, conjointement avec son assureur, estimant qu’il avait commis une faute dans la surévaluation du bien, à l’origine de son préjudice.

Sur le visa de l’article 1382 du Code Civil au titre de sa violation, la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 Juin 2003, estime que « la faute de l’expert avait été déterminante de l’octroi d’un prêt qui n’aurait pas été consenti en connaissance de la valeur réelle de l’immeuble« .

Autrement dit, sur le fondement de la règle de la responsabilité quasi-délictuelle, le prêteur non lié à l’expert par un quelconque contrat, a droit à l’entière réparation du dommage résultant d’une surévaluation de la valeur immobilière donnée par l’expert.

Au titre de la responsabilité quasi-délictuelle, il faut rappeler que toute faute, quel que soit son degré de gravité, ouvre un droit à l’entière réparation du préjudice, dès lors que la faute est établie et qu’elle est la cause du préjudice ; à cet égard l’arrêt avec pertinence ne parle que de faute. De plus, l’expert ne peut s’exonérer d’une partie de la réparation.

Source : AJDI, Décembre 2003 page 662