CASS. CIV. 1ère 8 Juin 2004

Caractère normal de la privation de vue résultant de la construction au sein d’un lotissement.

Note de M. François Guy TREBULLE :

Les propriétaires d’une maison au sein d’un lotissement situé en bord de mer eurent la déplaisante surprise de voir édifier une construction les privant de leur vue.

Bien que n’ayant pas contesté la régularité du permis de construire devant les juridictions administratives, ils en demandèrent la démolition devant les juridictions judiciaires.

Saisie, la Cour d’appel rejeta leurs prétentions.

Par cet arrêt du 8 juin 2004, la première Chambre civile confirme l’arrêt en posant deux observations qui méritent d’être soulignées.

D’une part, elle relève que la Cour d’appel avait parfaitement la possibilité de constater la conformité de la construction édifiée au permis de construire et au cahier des charges du lotissement.

Dans le cadre du contentieux des permis de construire, la démolition ne peut être ordonnée que si le permis de construire a été préalablement annulé par les juridictions administratives (L. 480-13 c. urb., « lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou son illégalité a été constatée par la juridiction administrative« ).

D’autre part, la Cour de cassation refuse d’accueillir le moyen fondé sur la théorie des troubles du voisinage. Les demandeurs prétendaient que la privation de vues de mer liée à la construction litigieuse leur causait un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

L’acte de construire, fut-il régulier, ouvre droit à réparation s’il génère des préjudices sur le fondement de cette théorie (Cass. 3e civ., 29 avr. 2002).

Mais, en tout état de cause, une telle démolition ne peut être justifiée qu’en présence d’un trouble anormal. S’il n’est pas contestable que la perte de vues peut constituer un trouble, encore faut-il que les demandeurs en établissent l’anormalité.

En l’espèce, il est normal qu’une parcelle située dans un lotissement soit construite et les voisins doivent supporter la privation de vues dont ils n’ont bénéficié qu’en raison des aléas de la commercialisation des lots et du financement des constructions.

Source : RDI, 4/04, page 347