Contribution au budget de fonctionnement d’un centre commercial.
La modification de la répartition de la charge des cotisations entre les différents adhérents à l’association des commerçants d’un centre commercial est caractéristique d’un abus de majorité par l’un des membres puisqu’elle concourt, sans motif légitime, à limiter considérablement la part de cotisation du membre fondateur de l’association en aggravant notoirement les obligations d’autres membres.
Note de M. Eric CHEVRIER :
Le groupement de commerçants poursuivant un intérêt commun, cela implique une certaine égalité entre les membres.
Parfois, une inégalité se fait jour au profit des « locomotives » du centre commercial, encore renforcée lorsque ces grandes surfaces sont les promoteurs et les bailleurs du centre.
Tel était le cas ici où deux grandes surfaces étaient propriétaires du centre commercial et donnaient en location les emplacements qu’elles n’occupaient pas elles-mêmes.
Une association avait été créée, à laquelle tous les exploitants étaient tenus d’adhérer, qui prévoyait des cotisations s’élevant à 10,5 % du loyer et, pour les deux membres fondateurs, égales au montant total des précédentes.
Par une délibération en assemblée générale, l’association a par la suite décidé que les cotisations seraient calculées au prorata des millièmes occupés, celles des deux grandes surfaces étant toutefois plafonnées.
Un commerçant avait alors contesté cette délibération pour abus de majorité au motif que les deux locomotives, tout en continuant à occuper 60 % des locaux, voyaient leur contribution passer de 50 % à 25 %.
Sa demande est accueillie aussi bien par les juges du fond que par les Hauts magistrats.
Les signataires d’un bail commercial sont libres du choix du mode de répartition des charges.
Spécialement, la disposition d’un bail fixant cette répartition au prorata des loyers des occupants de l’immeuble n’est pas entachée de nullité dès lors que ce mode de répartition n’est pas plus injuste qu’un calcul au prorata des surfaces ou des millièmes de copropriété (CA Paris, 3 avr. 1992).
A l’inverse, la répartition des cotisations au prorata des surfaces occupées plutôt qu’en fonction des loyers n’est pas à priori contraire à l’intérêt général.
Mais certaines modalités, telles qu’en l’espèce le plafonnement des cotisations des grandes surfaces propriétaires du centre commercial, peuvent rendre cette mesure inégalitaire, dès lors qu’elles ne sont pas justifiées par des circonstances nouvelles ayant modifié les conditions d’exercice de l’activité du centre commercial, notamment l’attractivité relative des différents commerces.
Aucun motif légitime ne pouvait, en l’espèce, justifier la limitation de la part de cotisation des membres fondateurs du centre en aggravant notoirement les obligations des autres exploitants ; la délibération est alors constitutive d’un abus de majorité comme portant atteinte à l’intérêt collectif.
Cette décision de la Cour de cassation illustre le contrôle judiciaire de l’évolution des charges lorsque les prévisions initiales s’avèrent remises en cause dans des proportions très importantes.