Le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel. La signature de la proposition de financement par l’emprunteur et la souscription de la garantie prévue formalisent un accord de volonté qui oblige le prêteur à verser les fonds.
Note de M. LOGHOUARN :
La Cour de Cassation a eu une nouvelle occasion de se prononcer sur les conditions de formation d’un contrat de prêt conclu dans le cadre d’une opération de crédit.
Un agriculteur avait commandé du matériel à crédit dont l’acquisition devait être financée par un prêt. Selon le contrat de financement, l’organisme prêteur était tenu de verser directement les fonds au vendeur sur simple avis de livraison de la part de ce dernier et sous condition de la souscription d’une assurance sur la vie par l’emprunteur. Le prêteur a été successivement informé de la souscription de l’assurance et de la livraison du matériel, mais l’emprunteur est décédé entre-temps. A la suite d’un litige sur la qualité du matériel, le prêteur a refusé de payer le prix.
La Cour d’Appel de GRENOBLE a décidé, le 1er octobre 1997, que le prêteur était tenu de payer la somme convenue aux héritiers de l’emprunteur. Le prêteur a alors formé un pourvoi en cassation, invoquant principalement l’absence de remise des fonds pour prétendre qu’aucun contrat de prêt ne s’était formé.
On aurait pu croire, au regard de la conception classique du prêt, que l’arrêt des juges grenoblois encourait la cassation pour violation de la loi. En effet, le prêt d’argent relève en principe du même régime juridique que le prêt de consommation défini à l’article 1892 du Code Civil d’où il résulte que le contrat est un contrat réel, formé par la remise de la chose à l’emprunteur ou à une personne qui la reçoit et la détient pour le compte de ce dernier.
Le pourvoi a été pourtant rejeté par un arrêt qui traduit incontestablement une volonté de protection de l’emprunteur mais qui s’inscrit, bien au-delà, dans une tendance doctrinale et jurisprudentielle à reconsidérer la nature du contrat de prêt.