Quels sont les droits de l’emprunteur qui a fait des dépenses relatives à la chose qui lui a été prêtée à usage ?
Note de M. Laurent LEVENEUR :
Une veuve est usufruitière de tous les biens de la succession de son défunt mari.
Elle prête un immeuble dépendant de cette succession à l’une de ses filles, qui l’occupe dix ans durant.
Pendant cette période, l’emprunteuse réalise des travaux, notamment des réparations et des améliorations.
Elle demande maintenant que sa mère, prêteuse à l’usage, lui rembourse ces dépenses.
La Cour d’appel accueille cette demande, du moins sous réserve que les travaux exécutés dans l’immeuble correspondent à des « dépenses nécessaires pour user de la chose » (si bien qu’elle ordonne un complément d’expertise aux fins de fixer le montant du remboursement).
La cassation était inévitable, car précisément l’article 1886 du Code civil pose exactement le principe inverse : « Si, pour user de la chose, l’emprunteur a fait quelque dépense, il ne peut pas la répéter« .
Ainsi, les dépenses pour user de la chose, même si on les présente comme nécessaires à cette fin, ne sont pas répétibles contre le prêteur, dont il ne faut pas oublier que, par bienfaisance (C. civ., art. 1105 ancien), il procure à l’emprunteur un avantage à titre gratuit en mettant la chose à sa disposition sans percevoir de loyer – c’est toute la différence avec le contrat de louage – : on ne peut donc le charger d’obligations trop importantes.
Et si l’article 1890 du Code civil met le cas échéant à la charge du prêteur une certaine obligation de remboursement, c’est en des termes très restrictifs qui cantonnent cette obligation dans un domaine très étroit : « Si, pendant la durée du prêt, l’emprunteur a été obligé, pour la conservation de la chose, à quelque dépense extraordinaire, nécessaire, et tellement urgente qu’il n’ait pas pu en prévenir le prêteur, celui-ci sera tenu de la lui rembourser« .
Ainsi, seules les dépenses « extraordinaires« , à la fois nécessaires et très urgentes, qui ont été exposées pour la « conservation » de la chose donnent naissance à une obligation de remboursement.
Les autres dépenses, même celles qui ont été nécessaires pour user de la chose, n’entrent pas dans le champ de l’article 1890.