CASS. CIV. 1ère 13 Juillet 2004

Le juge civil peut ordonner la suspension d’une installation classée régulièrement autorisée pour mettre un terme aux troubles anormaux de voisinage occasionnés par les activités qui y sont exploitées.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier ayant ordonné la suspension d’une porcherie, régulièrement autorisée, afin de supprimer les nuisances olfactives résultant de l’exploitation de cette installation classée. Elle considère que cette mesure de suspension n’est pas susceptible de contrarier les prescriptions édictées par l’administration dans l’intérêt de la santé et de la salubrité publiques.

Note de M. David GILLIG :

L’article L. 514-19 du Code de l’environnement prévoit que « les autorisations sont accordées sous réserve du droit des tiers« . La responsabilité civile de l’exploitant d’une installation classée est donc susceptible d’être engagée devant les juridictions civiles alors même que cette installation aurait été régulièrement autorisée ou déclarée et qu’elle respecterait les prescriptions qui lui ont été imposées.

Il en va notamment ainsi lorsque les nuisances générées par le fonctionnement de l’installation en cause présentent les caractères d’un trouble anormal du voisinage (Cass. 1re civ., 15 mai 2001).

La réparation du préjudice subi par la victime de ces troubles anormaux du voisinage peut prendre deux formes distinctes.

D’une part et de manière classique, le juge civil peut lui allouer des dommages et intérêts (Cass. 1re civ., 15 mai 2001).

D’autre part, il a également compétence pour ordonner les mesures propres à faire cesser le trouble constaté (Cass. 3e civ., 11 mai 1993).

Ses pouvoirs sont toutefois limités lorsqu’il s’engage dans cette seconde voie.

En effet, conformément au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, le juge civil ne peut ordonner des mesures qui sont susceptibles de faire obstacle aux prescriptions imposées par le préfet à l’exploitant d’une installation classée régulièrement autorisée ou déclarée (Cass. 1re civ., 5 nov. 1963).

C’est cette solution de principe que la Cour de cassation rappelle opportunément dans cet arrêt du 13 juillet 2004 en soulignant que « les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d’un établissement dangereux, insalubre ou incommode, que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice, à la condition que ces mesures ne contrarieront point les prescriptions édictées par l’administration dans l’intérêt de la sûreté et de la salubrité publique« .

Le juge civil n’excède donc pas les limites de la compétence de l’autorité judiciaire lorsque les prescriptions qu’il impose à l’exploitant, en vue de faire cesser les nuisances liées à son activité, n’entrent pas directement en concurrence avec celles édictées par l’administration chargée de la police des installations classées.

Source : Environnement, Novembre 2004, page 26