CASS. CIV. 1è, 23 novembre 1999

La seule sanction civile de l’inobservation des exigences prévues par l’article L.312-8 du Code de la Consommation est la perte, en totalité ou en partie du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

Note de M. PIEDELIEVRE : Une nouvelle fois, la Cour de Cassation réaffirme que la seule sanction, en cas d’inobservation des dispositions relatives à l’offre de prêt dans le crédit immobilier, consiste dans la perte, en totalité ou en partie, du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge (V. Déjà auparavant en ce sens Cass. 1è civ., 9 mars 1999). Cette sanction est exclusive de toute autre.

En l’espèce, une caisse régionale de crédit agricole mutuel avait consenti à des particuliers un prêt notarié soumis aux dispositions du Code de la Consommation relatives au crédit immobilier avec affectation hypothécaire. En raison d’impayés, le prêteur a fait commandement aux emprunteurs de leur payer une certaine somme à peine de saisie de l’immeuble acquis. Les emprunteurs ont alors demandé la nullité du prêt aux motifs que le taux effectif global devant figurer dans l’offre préalable de crédit n’incluait pas les frais et les émoluments du notaire et le salaire du conservateur des hypothèques. Le Tribunal de Grande Instance de BLOIS, par un jugement du 13 février 1997, a fait droit à leur demande aux motifs que le taux effectif global n’avait pas été calculé conformément aux articles L.312-8 et L.313-1 du Code de la Consommation, et que le prêteur n’avait pas démontré qu’il aurait rencontré un obstacle pour calculer lesdits frais. Il en résultait la nullité de la procédure de saisie immobilière.

Le prêteur s’est pourvu en cassation en se fondant uniquement sur les règles spécifiques du taux effectif global prévues par les articles L.313-1 et suivants du Code de la Consommation. Il était incontestable que les règles de l’article L.313-1 n’avaient pas été respectées, puisqu’à l’intérêt au sens strict du terme sont ajoutés « les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ».

 …./… 

Or, la jurisprudence indique que la méconnaissance des dispositions d’ordre public relatives au taux effectif global « ayant été édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur, leur méconnaissance est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels ; l’action en nullité s’éteint si elle n’est pas exercée pendant cinq ans à compter de la signature du contrat de prêt » (Cass. 1ère civ., 21 janvier 1992 ; Cass. Com., 3 mai 1997). Les auteurs du pourvoi prétendaient que l’action en nullité des emprunteurs était forclose, puisque le prêt avait été conclu le 10 novembre 1988.

L’argument était habile, en ce sens qu’il tentait de détacher la question du taux effectif global des règles spécifiques de l’offre préalable de crédit et qu’il permettait ainsi d’occulter certaines règles du crédit immobilier. Mais il ne pouvait pas prospérer. En effet, l’article L.312-8-3° du Code de la Consommation prescrit que l’offre préalable doit indiquer outre le montant du crédit susceptible d’être consenti, son coût total et son taux défini conformément à l’article L.313-1. Incontestablement, le formalisme de l’offre préalable de crédit n’avait pas été respecté. La censure de la décision de première instance était inévitable, puisque la déchéance du droit aux intérêts est, selon la Cour de Cassation, une sanction unique, sans pour autant que le raisonnement des auteurs du pourvoi soit adopté par la Cour de Cassation.

Source : JCPN 2000 n° 14 page 611