CASS. CIV. 1è, 17 juillet 2001

Le crédit-preneur peut-il prétendre, et si oui dans quelle mesure, à être indemnisé par l’assureur dommages-ouvrage ?

Note :

Rendu dans une affaire où un immeuble loué en crédit-bail avait fait l’objet de travaux couverts par une assurance dommages-ouvrage, l’arrêt commenté, de rejet sur le premier point, mais de cassation sur le second, donne deux solutions qui doivent attirer également l’attention. La première est spécifique au crédit-bail ; la deuxième est d’une portée plus générale.

Le crédit-preneur avait fait effectuer des travaux sur l’immeuble donné à bail et souscrit une dommages-ouvrage. Des malfaçons, de nature à engager la responsabilité décennale, étant apparues, il fit aussitôt une déclaration de sinistre à l’assureur, qui ne répondit pas. Le preneur fit effectuer les travaux de remise en état à ses frais et en fut remboursé, mais partiellement, par l’entrepreneur responsable et son assureur. Il se tourna alors vers l’assureur dommages-ouvrage pour réclamer le complément. Sur l’action qui suivit le refus de l’assureur, une cour d’appel lui accorda une somme de 120.000 Francs.

A l’appui de son pourvoi, l’assureur soutint, dans un premier moyen, que, aux termes de l’article L.242-1 du Code des assurances, le bénéficiaire de l’assurance dommages-ouvrage est le propriétaire de l’immeuble sinistré. S’agissant d’un immeuble loué en crédit-bail, le preneur n’aurait donc pas qualité pour percevoir l’indemnité d’assurance. Et, de fait, lorsqu’on évoque, en doctrine, les bénéficiaires de la dommages-ouvrage, on précise bien que, en cas de crédit-bail, il ne saurait s’agir que du crédit-bailleur, réservant simplement l’hypothèse d’une clause contraire.

L’indemnité d’assurance revient au propriétaire, le crédit-bailleur. Quant au crédit-preneur, titulaire d’un simple droit de jouissance, tant qu’il n’a pas levé l’option, de même qu’il n’a pas qualité pour agir en responsabilité décennale, de même ne peut-il prétendre à une indemnisation qui compète au crédit-bailleur.

Et pourtant, la décision commentée écarte la critique du pourvoi et approuve l’arrêt attaqué d’avoir accueilli l’action du preneur contre l’assureur de dommages-ouvrage. La solution n’est d’ailleurs pas entièrement nouvelle puisqu’elle avait déjà été admise par un arrêt de la troisième chambre civile du 4 janvier 1996.

L’arrêt du 17 juillet 2001 émane, lui, de la chambre de la Cour de cassation spécialisée en assurance, la première. Il présente l’intérêt d’expliciter les raisons qui ont conduit la Cour à déroger à la règle de principe. D’un côté, le preneur avait bien la qualité d’assuré, puisqu’il avait souscrit le contrat et avait un intérêt personnel à le faire. De l’autre, c’est lui qui avait financé les travaux de remise en état. Il pouvait donc prétendre à l’indemnité d’assurance sur laquelle, au surplus, le bailleur n’émettait aucune prétention.

Comment, dans ces conditions, le pourvoi de l’assureur aurait-il pu être accueilli ? Y faire droit aurait équivalu à priver l’assurance de tout effet et à permettre à l’assureur d’avoir perçu les primes sans la moindre contrepartie. Chacun sait que la Cour de cassation n’est pas disposée à l’admettre !

Source : RDI, 2001 n° 5 page 490