CASS. ASS. PLEN. 6 Décembre 2004

En cas de vente de l’immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit au nouveau propriétaire en tant qu’accessoire de la créance de loyers cédée à l’acquéreur par l’effet combiné de l’article 1743 et des articles 1692, 2013 et 2015 du Code civil.

Note de MM. Christophe BELLOC et Jérôme de FREMINVILLE :

Aux termes de cet arrêt très attendu, la Cour de cassation infirme la solution qu’elle avait précédemment retenue, mais devant laquelle la Cour d’appel de Rouen, juridiction de renvoi, avait refusé de s’incliner.

Dans son arrêt initial du 26 Octobre 1999, la Cour de cassation avait jugé, au visa de l’article 2015 du Code civil « qu’à défaut de manifestation de volonté de la part de la caution de s’engager envers le nouveau bailleur, le cautionnement souscrit au profit de la compagnie AGF (ancien bailleur) ne pouvait être étendu en faveur de la société FMD (nouveau bailleur)« .

Cet arrêt avait l’objet d’un tir nourri de la part d’éminents auteurs, qui avaient estimé que la Cour de cassation faisait litière de l’article 1692 du Code civil aux termes duquel « la vente ou cession d’une créance comprend les accessoires de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque« .

La controverse s’était poursuivie chez les juges du fond.

En décidant que le cautionnement consenti au bailleur est transmis à l’acquéreur de l’immeuble, la Cour de cassation se conforme strictement au principe de l’accessoire.

Il est indéniable qu’aux termes de l’article 2015 du Code civil, visé dans l’arrêt du 6 Décembre 2004 comme dans celui du 26 Octobre 1999, « on ne peut pas [étendre le cautionnement] au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté« , et que le cautionnement est marqué par un fort intuitu personae.

Mais s’agissant du cautionnement dans un contrat de bail, la personne qui est prise en considération par la caution est bien évidemment celle du locataire, dont la défaillance éventuelle donnera lieu à la mise en œuvre de la garantie, et non celle du bailleur, sauf à démontrer que les qualités du créancier avaient été déterminantes.

En effet, au moment où la caution s’engage, la créance de loyers et de charges qui résulte du bail, est née. Le bailleur, quel qu’il soit, ne peut augmenter cette créance. Le changement de bailleur laisse intacts les éléments objectifs (nature, étendue et modalités de la dette principale) qui ont déterminé la caution à consentir sa garantie.

En pratique, les cautions garantissant le paiement des loyers qui entendent éviter la transmission de plein droit de ce cautionnement au nouveau bailleur en cas de vente de l’immeuble loué devront stipuler dans leurs engagements une clause expresse d’incessibilité de leur cautionnement.

Source : JCP éd. Ent. et Aff., 23 Décembre 2004, page 2079