CASS. ASS. PLEN. 4 Mars 2005

Dans un arrêt du 4 mars 2005, l’assemblée plénière de la Cour de cassation déclare inapplicable la sanction de la nullité à un prêt consenti en France par un établissement de crédit étranger non titulaire de l’agrément.

Note de M. Jean STOUFFLET :

Depuis près de quinze ans, la 1ère Chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de Cassation se prononçaient en sens opposé sur la question de la validité des contrats bancaires conclus par une personne physique ou morale non titulaire d’un agrément comme établissement de crédit délivré par le Comité des Etablissements de Crédit et des Entreprises d’Investissement (CECEI).

Dans son arrêt du 4 mars 2005, l’assemblée plénière de la Cour de Cassation déclare inapplicable la sanction de la nullité à un prêt consenti en France par un établissement de crédit étranger non titulaire d’un agrément.

En s’appuyant sur la jurisprudence de la CJCE, l’assemblée plénière juge que la banque prêteuse défenderesse pouvait, avant même l’entrée en vigueur de la deuxième directive bancaire, consentir des prêts en France sous le régime de la liberté des prestations de services.

La Cour aurait donc pu s’abstenir de statuer sur la question de la nullité de ces prêts pour une atteinte au monopole bancaire qu’elle jugeait… inexistante. Il est clair qu’elle a entendu saisir l’occasion que lui fournissait le pourvoi dont elle était saisie pour trancher une question de principe. Les conséquences de la solution adoptée sont considérables.

Principe de validité des contrats portant atteinte au monopole bancaire

L’article L.511-5 du Code monétaire et financier, reprenant une disposition de l’article 10 de la loi bancaire du 24 janvier 1984, interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de banque à titre habituel. La qualité d’établissement de crédit est acquise exclusivement par un agrément délivré par le CECEI ou une autorité de l’Espace Economique Européen assimilée.

La loi ne se prononce pas sur la validité des contrats bancaires conclus par une personne dépourvue d’agrément.

Pour la 1ère Chambre civile, le monopole bancaire fait partie de l’ordre public de protection. C’est ce qu’elle a jugé dans son arrêt du 13 octobre 1982 rendu dans une affaire où était alléguée la nullité d’un prêt hypothécaire consenti par un cabinet immobilier n’ayant pas la qualité d’établissement de crédit. L’arrêt exclut la sanction de la nullité.

La Chambre commerciale reconnaît que le monopole est destiné à protéger l’intérêt général et celui de la profession bancaire, mais elle estime qu’il a aussi pour but la sauvegarde des intérêts des clients.

Selon la Chambre commerciale, le monopole bancaire a une double fonction qui le fait relever à la fois de l’ordre public de direction et de l’ordre public de protection. La seconde finalité du monopole justifie la nullité des conventions bancaires conclues par une personne non agréée, nullité qui a évidemment un caractère relatif.

L’Assemblée plénière se range à l’avis de la 1ère Chambre civile qui rattache exclusivement le monopole bancaire à l’ordre public de direction.

Conséquences de l’exclusion de la sanction de la nullité en cas d’atteinte au monopole bancaire

L’arrêt du 4 mars 2005 aura des conséquences pratiques non négligeables, spécialement pour les banques étrangères non communautaires, moins sensibles peut-être, puisqu’elles ne sont pas implantées en France, au risque pénal qu’au risque civil.

Cet arrêt est également important au plan des principes. Il marque la volonté de réserver strictement aux institutions publiques la mission de veiller au respect de l’ordre public économique, l’intervention de personnes privées étant réservée au cas où la loi est explicitement destinée à protéger un intérêt privé comme c’est le cas dans le domaine du droit de la consommation.

Source : Revue de Droit Bancaire et Financier, Mai-Juin 2005, page 48