CASS. ASS. PLEN. 23 Janvier 2004

L’article L. 145-38 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’article 26 de la loi du 11 décembre 2001 portant Mesures Urgentes de Réformes à Caractère Economique et Financier, dite loi MURCEF, ne s’applique pas aux instances en cours.

La Cour de cassation siégeant en Assemblée plénière, s’est prononcée sur l’application dans le temps de la loi MURCEF qui a modifié l’article L. 145-38 du Code de commerce.

Il s’agissait de déterminer si, lors de la révision triennale d’un bail commercial, et en l’absence d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, le juge pouvait, à la demande du locataire, fixer le loyer à la valeur locative lorsque celle-ci se révèle inférieure au loyer contractuel.

On rappellera que, par la loi MURCEF modifiant l’article L. 145-38 du Code de commerce, le législateur a souhaité écarter le dernier état de la jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnaissait au locataire, lors de la demande en révision, un droit inconditionnel au réajustement de son loyer à la baisse (Cass. 3e civ., 30 mai 2001).

La question posée était celle de l’incidence de ce nouvel état de la loi sur les litiges de renouvellement de baux commerciaux introduits avant sa promulgation

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation énonce que « si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêts général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice afin d’influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; cette règle générale s’applique quelle que soit la qualification formelle donnée à la loi et même lorsque l’Etat n’est pas partie au procès.

Il ne résulte ni des termes de la loi ni des travaux parlementaires que le législateur ait entendu répondre à un impérieux motif d’intérêt général pour corriger l’interprétation juridictionnelle de l’article L. 145-38 du Code de commerce et donner à cette loi nouvelle une portée rétroactive dans le but d’influer sur le dénouement des litiges en cours ; dès lors, la cour d’appel, peu important qu’elle ait qualifié la loi nouvelle d’interprétative, a décidé à bon droit d’en écarter l’application« .

En conséquence, elle a jugé que c’est à bon droit qu’il n’a pas été fait application par les juges du fond, du nouvel article L. 145-38 du Code de commerce issu de la loi MURCEF à un litige de renouvellement de bail introduit le 13 mai 1998.

Source : JCP éd. Ent. et Aff., 5 Février 2004 page 197