1 – L’arrêt du 29 février 2000 de la CAA PARIS, (M. SPIRRY et M. ROLLIN), fixe un point de droit important au milieu des difficultés d’interprétation de la police du changement d’affectation de certains locaux (art. L.631-7 du Code de la Construction et de l’Habitation) : le principe de personnalité des autorisations ou dérogations préfectorales, introduit par la loi du 23 décembre 1986, n’a pas de portée rétroactive et ne s’applique qu’aux décisions postérieures à l’entrée en vigueur de ladite loi.
Le Ministre de l’Equipement soutenait la thèse inverse : la loi du 23 décembre 1986, rédigée en termes généraux, avait un caractère interprétatif et qualifiait de personnelles toutes les autorisations et dérogations délivrées depuis l’institution du contrôle des changements d’affectation en 1945.
Les faits de la cause sont clairement résumés par les juges d’appel. Un cabinet dentaire, constitué en société de moyens, avait été autorisé en 1974 à exercer la chirurgie dentaire dans certaines parties d’un immeuble. En 1976 une demande de transfert a été « enregistrée » dans des conditions « donnant acte » de l’opération et valant nouvelle autorisation d’affectation à usage professionnel. Cette nouvelle affectation était-elle admise à titre réel et définitif, ou à titre personnel et précaire ?
L’administration avait obtenu un jugement du tribunal administratif de PARIS le 16 octobre 1997, retenant le caractère personnel. La cour annule cette décision : la loi du 23 décembre 1986 « n’a eu ni pour objet ni pour effet de conférer un caractère personnel aux autorisations accordées avant son entrée en vigueur ».
2 – La Cour administrative d’appel de PARIS a statué également en première chambre, le 29 juin 1999 (SA FONCIERE HUGO). Il s’agissait alors des groupements d’avocats, exclus du champ d’application de l’article L.631-7 par l’article 39 de la loi n° 71-1130, et ce pendant un délai de cinq ans – délai prorogé jusqu’au 1er janvier 1979.
La Cour administrative d’appel de PARIS (confirmant un jugement du tribunal administratif de PARIS) estime, à juste titre, qu’une société civile professionnelle d’avocats avait ainsi été, à l’époque, soustraite au contrôle préfectoral.
Mais cette réduction du champ d’application de la loi aurait eu un effet curieux : elle n’aurait pas eu le caractère définitif attaché à une dérogation préfectorale, mais n’aurait valu qu’autorisation personnelle et précaire, ne survivant pas à un abandon des locaux par la société d’avocats.
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Cette décision contient une part de vérité, et présageait l’arrêt sus-analysé du 29 février 2000, en ce sens qu’elle juge implicitement que les dérogations accordées avant 1986 avaient, par nature, un caractère définitif.
Mais cette décision est manifestement dans l’erreur quant à la qualification des locaux en cause. Comme dans la première exception examinée ci-dessus, on se trouvait en présence d’une opération placée en dehors du contrôle des changements d’affectation. La cour a assimilé à tort une réduction du champ d’application de la loi à une dérogation implicite – laquelle n’existait pas – ou à une dérogation précaire – laquelle n’existait pas davantage.
L’arrêt relève que la société d’avocats installée en 1973, à la faveur de la loi du 31 décembre 1971, avait quitté les locaux en 1991. C’est sans doute ce qui avait conduit les propriétaires à solliciter (et obtenir) un permis de construire d’aménagement le 28 juin 1991, ce qui n’a certes pas d’incidence sur la nécessité d’une autre autorisation.
Une telle considération est en effet inopérante. Les locaux litigieux avaient parfaitement été utilisés et donc aménagés, en 1973, en locaux professionnels. Ils restaient tels en 1991. Et le départ des avocats n’aurait eu de conséquence sur la qualification des lieux que si, entre-temps, ceux-ci avaient été affectés à usage d’habitation.