Le propriétaire d’un sol pollué peut-il être tenu d’assumer sa décontamination au titre de la réglementation des « déchets » ?
Un arrêt rendu le 7 septembre 2004 par la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE), en faisant référence aux règles relatives à l’évacuation des déchets, ouvre à nouveau le débat sur la question de la responsabilité du propriétaire non exploitant d’un terrain pollué.
Note de Me Olivier HERRNBERGER :
La CJCE a été saisie sur une question préjudicielle par la Cour d’appel de Bruxelles afin de savoir si un terrain contaminé par des hydrocarbures déversés à la suite de la fuite d’une cuve constituait ou non des « déchets » et, ensuite, qui devait avoir la charge de leur évacuation.
La CJCE précise en premier lieu que le sol pollué, contaminé à la suite de la fuite de la cuve de stockage, constitue bien un déchet au sens de l’article 1er de la directive 75/442/CE.
Ensuite, elle précise que la charge de l’élimination de ce déchet, c’est-à-dire de la dépollution du sol, pèse selon l’article 1er de la directive sur « le producteur des déchets ou la personne physique ou morale qui a les déchets en sa possession« .
Au sens de ce texte, la personne qui a la possession des déchets est celle qui en a la maîtrise effective.
Or le propriétaire, dès lors que l’exploitant a disparu, retrouve la possession de son terrain et, de ce fait, a bien la disposition matérielle de ces déchets.
En effet, dès lors que l’exploitant a disparu (ou, par exemple, que le bail a cessé et que l’occupant est parti) le propriétaire retrouve ses prérogatives d’utilisation de la chose.
Il redevient « possesseur » du sol pollué, en ce sens qu’il en retrouve l’usage matériel. Par conséquent, si ce sol est un déchet, il devient possesseur du déchet et se trouve tenu de l’éliminer.
En droit français, si la qualification de déchet est retenue, l’obligation de remise en état ne proviendrait plus du droit des installations classées mais de celui des déchets industriels.
L’obligation de remise en état au titre d’une ancienne installation classée provient de l’article L. 512-17 du Code de l’environnement. Celui-ci fait application du principe du pollueur-payeur et ne vise que l’exploitant. Le propriétaire n’est donc pas susceptible d’être mis en cause à raison de cette seule qualité.
En revanche, la loi « déchets » (C. env., art. L. 541-2 et L. 541-3) vise un nombre de personnes susceptibles d’être tenues de l’obligation de remise en état bien plus large que la police des installations classées, puisque d’une part l’article L. 541-2 fait peser l’obligation d’élimination sur toute personne qui produit ou détient des déchets, et que d’autre part l’article L. 541-3 dispose que l’autorité de police peut imposer des mesures aux frais du responsable.
La référence à ces notions de producteur, détenteur et responsable vont bien au-delà de la notion d’exploitant du droit des installations classées.
On peut se demander si le propriétaire d’un sol pollué dont l’exploitant a disparu ne devient pas, de facto, détenteur du déchet constitué par la terre souillée : « si le propriétaire n’a pu agir sur son origine, son inaction a fortiori si celle-ci dure longtemps, peut avoir pour conséquence une extension de cette pollution.
Nul doute qu’il sera alors soutenu que le propriétaire du site doit être qualifié de détenteur des sols pollués qui sont eux-mêmes des déchets ».
Dans cette situation, le propriétaire pourrait, en effet, être à la fois détenteur du déchet (C. env., art. L. 541-2), et responsable de l’aggravation de la situation par son inaction (C. env., art. L. 541-3).