La surélévation du terrain naturel peu de temps avant le dépôt d’une demande de permis de construire, constitue une manœuvre de nature à fausser l’appréciation de l’Administration, laquelle a délivré par la suite un permis de construire obtenu par fraude pouvant donc être légalement retiré même après l’expiration du délai de recours contentieux ; dès lors que le pétitionnaire s’est borné à faire figurer sur les plans constituant le dossier de demande la hauteur du terrain après remblai, et qu’il n’est pas en mesure d’apporter un motif vraisemblable à la surélévation.
Note de M. Nicolas ROUSSEAU :
Cet arrêt du Conseil d’Etat du 9 juin 2004 est particulièrement intéressant en ce qu’il nous permet de revenir sur l’épineux problème du permis de construire obtenu par fraude : la haute juridiction considère qu’une décision illégale obtenue par fraude du pétitionnaire ne peut acquérir de caractère définitif et, par voie de conséquence, ne saurait créer des droits acquis au profit de son bénéficiaire.
C’est ainsi que l’autorité administrative qui a été trompée peut retirer sa décision à tout moment et sans condition de délai, c’est-à-dire bien au-delà des quatre mois à compter de la signature de l’arrêté litigieux (CE, 13 mars 1976 – CE, 14 déc. 1983 – CE, 23 juill. 1993).
Dans cette affaire, un terrain fait l’objet d’un remblai important par son propriétaire, qui dépose quelques temps après une demande de permis de construire.
L’autorisation est délivrée pour une construction dont la hauteur est très exactement celle autorisée par le Plan d’Occupation des Sols (POS).
Néanmoins, on sait que la hauteur d’une construction doit se mesurer par rapport au terrain naturel, avant tous travaux d’exhaussement ou d’excavation exécutés en vue de la réalisation du projet.
Or, il semble que la commune n’ait eu connaissance de l’existence du remblai qu’après avoir délivré l’autorisation d’occuper le sol.
L’administration soutenait donc, à l’appui de son retrait, que le remblai avait pour unique but de permettre la réalisation d’une construction à une hauteur supérieure que celle qui aurait pu être atteinte si l’on avait pris comme base de calcul le terrain naturel.
La preuve de la fraude n’est pas absolue. Le juge administratif se satisfait donc d’une présomption grave, résultant d’élément révélant la mauvaise foi du pétitionnaire, dès lors qu’il n’est pas en mesure d’apporter des explications crédibles sur ses agissements suspects.
Pour que la fraude soit retenue, il suffit donc de démontrer que la seule explication logique des faits reprochés au pétitionnaire soit, à l’évidence, la volonté d’obtenir une décision favorable qui n’aurait pas pu être délivrée en l’absence des manœuvres invoquées.
Dès lors qu’il existe des éléments suffisants pour supporter la fraude, le Conseil d’Etat opère donc ce que l’on pourrait qualifier de « renversement de la charge de la preuve » en exigeant que le bénéficiaire présumé innocent démontre sa bonne foi en avançant des motifs valables suffisants à expliquer ses agissements.