C.E. 8 Novembre 2010

TVA et cession d’un contrat de crédit-bail immobilier.

Le Conseil d’Etat se prononce sur la question inédite de la régularisation de la déduction de la TVA qui a grevé l’acquisition d’une promesse de vente incluse dans un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble ultérieurement revendu par l’assujetti, sous l’empire des textes antérieurs à la réforme de la TVA immobilière.

La cession d’un contrat de crédit-bail immobilier a un double effet juridique : d’une part, elle confère au cessionnaire le droit à la jouissance de l’immeuble pour la durée du contrat restant à courir et, d’autre part, elle rend titulaire de la promesse unilatérale de vente portant sur cet immeuble.

La cession d’un tel contrat entre dans le champ d’application de la TVA, tel qu’il est défini à l’article 256, I et IV du CGI. Mais la TVA n’est pas effectivement exigée lorsque la cession est soumise aux droits proportionnels d’enregistrement, ce qui est le cas de la cession du droit de jouissance d’un immeuble à destination industrielle ou commerciale. Seule doit donc être soumise à la TVA la partie du prix correspondant à la promesse unilatérale de vente.

Selon l’administration, la déduction de la taxe supportée lors de l’acquisition du contrat de crédit-bail suppose une affectation à une activité taxable, cette déduction devant être régularisée en cas de changement d’affectation des locaux.

En l’espèce, une société avait racheté en 1986 au crédit-preneur initial le contrat de crédit-bail portant sur un immeuble achevé en 1975 et avait supporté la TVA sur la partie du prix relative à l’acquisition de la promesse unilatérale de vente incluse dans le contrat de crédit-bail.

En 1987, elle avait levé l’option d’achat incluse dans le contrat, affecté l’immeuble à une activité taxable à la TVA et déduit de la taxe dont elle était redevable au titre de cette activité la TVA supportée sur l’acquisition de la promesse de vente.

La société avait cédé l’immeuble en 1992 : dès lors que cette cession était intervenue plus de cinq ans après l’acquisition de l’immeuble, elle n’avait pas à être soumise à la TVA, en application de l’article 257, 7°-2 du CGI alors applicable.

Estimant qu’étaient remplies les conditions de la régularisation prévue par l’article 210, I de l’annexe II au CGI alors en vigueur, l’administration avait rappelé 3/10es de la TVA déduite par la société lors du rachat du contrat de crédit-bail et se rapportant à l’acquisition de la promesse de vente.

Le Conseil d’Etat invalide la position de l’administration. Il considère, en effet, que la taxe grevant l’acquisition d’une promesse unilatérale de vente incluse dans un contrat de crédit-bail immobilier ne peut pas être regardée comme une taxe grevant l’acquisition de l’immeuble lui-même ; en conséquence, elle ne peut donner lieu, lors de la vente ultérieure de l’immeuble non soumise à la TVA, à la régularisation prévue par l’ancien article 210, I de l’annexe II au CGI (aujourd’hui repris à l’article 207, III de la même annexe).

Cette solution a été rendue pour l’application des textes antérieurs à la réforme de la TVA immobilière (CGI, art. 257, 7°). La question se pose de savoir si la solution retenue par le Conseil d’Etat conserve sa valeur pour l’application des textes issus de cette réforme.

Source : FRFL, 8/11, page 4