Le maire ne peut s’immiscer dans un litige d’ordre privé, ni se fonder sur son existence pour refuser une demande de permis de construire.
Note de M. Pierre SOLER-COUTEAUX :
La solution de cet arrêt apporte une confirmation de la stabilité de la théorie du propriétaire apparent dans toutes ses composantes. Mais il illustre aussi toute la difficulté de sa mise en œuvre. La société pétitionnaire avait déposé une demande d’autorisation de lotir et de permis de construire sur un terrain qui lui avait été cédé par une copropriété, en vertu d’une délibération de son assemblée générale acquise à la majorité des deux tiers. Toutefois, un copropriétaire avait contesté cette délibération en faisant valoir que la cession portant sur une partie commune dont la conservation était nécessaire au respect de la destination de l’immeuble, l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 requérait l’unanimité. Bien que cette contestation ait été portée à sa connaissance, le maire avait néanmoins délivré les autorisations sollicitées, faisant application de la théorie du propriétaire apparent. La cour avait censuré cette décision en considérant que, compte tenu de l’existence de cette contestation, le pétitionnaire ne pouvait être regardé comme le propriétaire apparent. Le CE infirme cependant l’arrêt de la cour. Cette discordance, dont il faut indiquer qu’elle est fréquente dans cette matière, est inhérente au caractère plus sophistiqué qu’il n’y paraît de la théorie du propriétaire apparent. En réalité, elle se décline en trois temps : l’administration doit s’en tenir à l’apparence créée par le pétitionnaire, sauf s’il existe une contestation sérieuse, sans toutefois qu’elle puisse se livrer à un examen approfondi d’une question de droit privé. L’obligation qui est celle de l’administration de s’en tenir à l’apparence créée lui fait interdiction de s’immiscer dans le litige de droit privé qui s’élève entre le demandeur et un tiers sur la qualité du premier et de se fonder sur lui pour refuser la délivrance de l’autorisation sollicitée (CE, 20 octobre 1965, CE 10 janvier 2001). Cette solution trouve à s’appliquer même dans le cas où la cession de la parcelle d’assiette du projet de construction fait l’objet d’un recours judiciaire (CAA Lyon, 20 janvier 1998). C’est précisément la solution de l’arrêt commenté. Mais l’obligation dans laquelle se trouve l’administration de s’en tenir à l’apparence créée par le pétitionnaire ne la dispense pas de prendre en compte la réalité de la situation juridique lorsqu’elle s’impose. C’est le cas, selon la formule des arrêts, lorsque apparaît un doute faisant naître une contestation sérieuse sur le droit de propriété (CE, 23 octobre 1981).