C.E. 6 mars 2002

Un permis de construire qui reprend pour l’essentiel un précédent arrêté s’analyse comme un permis modificatif.

Note de M. Luc DEREPAS :

Le maire de Champigny-sur-Yonne délivra le 30 mai 2001 à deux sociétés un permis de construire un centre commercial et une station-service. Après que les sociétés eurent contesté l’une des conditions mises à l’exécution du permis initial, la construction préalable d’un carrefour giratoire, le maire prit le 14 juin un nouvel arrêté retirant le premier et délivrant une nouvelle autorisation amputée de cette condition.

Plusieurs habitants de la commune formèrent un recours pour excès de pouvoir contre ces deux décisions, assorti d’une demande de suspension. Du point de vue de la procédure contentieuse, la succession des deux arrêtés pouvait être interprétée de deux façons possibles.

Soit on s’attachait au contenu formel des décisions, et l’on devait conclure que la seconde décision retirait la première, qui avait cessé d’exister.
Soit on considérait que le second arrêté constituait en fait un modificatif du premier, se bornant à supprimer la condition de réalisation d’un carrefour giratoire.

Le juge des référés du tribunal administratif avait suivi la première logique. En conséquence, il avait jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le premier arrêté, qui avait rétroactivement disparu au cours de l’instance. Considérant le second arrêté, qui avait été attaqué plus de deux mois après le déclenchement du délai de recours, le juge avait rejeté la demande pour tardiveté.

Le Conseil d’Etat a censuré ce raisonnement et jugé au contraire que le second arrêté devait être regardé comme un modificatif du premier. Deux raisons semblent avoir conduit à cette solution.

D’une part, cette interprétation correspondait davantage à la réalité des faits : l’objet de ce second arrêté n’était pas de procéder à un nouvel examen d’ensemble de l’affaire, mais seulement de modifier sur un point mineur l’autorisation initiale.

D’autre part, cette solution réaliste empêche les manœuvres.

Avec la solution retenue par le premier juge, rien n’empêchait un maire, après avoir vu un de ses permis contesté, de retirer discrètement ce permis en le remplaçant par un autre légèrement différent, et d’opposer ensuite aux requérants qui ne se seraient pas rendu compte de la substitution un non-lieu sur le premier permis et la tardiveté sur le second.

Avec la solution ici retenue, le premier recours conserve son objet.

Source : RDI, 2002 n° 4 page 342