C.E. 6 Juin 2012

Appréciation du juge sur l’intérêt général justifiant une préemption.

Note de M. Rémi GRAND :

Il appartient au juge saisi par la voie du recours pour excès de pouvoir contre une décision de préemption de vérifier si le projet envisagé est susceptible de justifier légalement l’exercice de ce droit.

Il doit donc se prononcer au regard de l’objet défini par l’article L. 210-1 du Code de l’urbanisme et s’assurer qu’il présente un intérêt général suffisant.

Allant au-delà de la jurisprudence Commune de Meung-sur-Loire (CE, 7 mars 2008) selon laquelle les titulaires du droit de préemption doivent seulement justifier, à la date à laquelle ils exercent ce droit, « de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques de ce projet n’auraient pas été définies à cette date« , le juge ajoute « qu’en outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant« .

L’arrêt Commune de Meung-sur-Loire allait au-delà de la jurisprudence Bour en disposant que le juge devait s’assurer de la réalité du projet (CE sect., 26 févr. 2003).

La décision du 6 juin 2012 s’inscrit dans son prolongement en considérant qu’il revient au juge de l’excès de pouvoir « de vérifier si le projet d’action ou d’opération envisagé par le titulaire du droit de préemption est de nature à justifier légalement l’exercice de ce droit« .

Commet donc une erreur de droit la Cour Administrative d’Appel qui se borne à relever qu’une décision de préemption n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

En l’espèce, le Conseil d’Etat considère qu’une communauté d’agglomération a pu légalement préempter des parcelles en vue de la réalisation d’un « atelier relais » destiné à accueillir des entreprises.

Elle justifiait en effet de la réalité de son projet à la date de la décision de préemption.

S’agissant de l' »intérêt général suffisant » du projet, le Conseil d’Etat considère ce critère rempli puisque la surface des terrains préemptés n’était pas disproportionnée au regard du projet.

Source : AJDA, 21/12, page 1135