C.E. 6 Décembre 2013

Permis de construire obtenu par fraude et intérêt à agir du propriétaire du terrain.

Note de M. Rémi GRAND :

Le propriétaire du terrain sur lequel une autorisation d’urbanisme a été accordée justifie, en cette seule qualité, d’un intérêt à agir contre l’autorisation en cause, considère le Conseil d’Etat.

Il apporte en outre des précisions sur la fraude quant à la qualité du pétitionnaire, pouvant conduire à l’annulation du permis de construire.

Un litige était né, à la suite de l’incendie d’une ferme prise à bail rural, entre le preneur, lequel souhaitait reconstruire le bien, et le bailleur, qui s’opposait à ce projet.

Des travaux de reconstruction avaient été entrepris sans autorisation par le preneur avant d’être régularisés par un permis de construire, contesté par le bailleur.

Les juges d’appel avaient rejeté ce recours pour défaut d’intérêt à agir, estimant qu’en s’opposant à la reconstruction de la ferme, le bailleur méconnaissait les dispositions de l’article L. 411-30 du Code rural.

Ce raisonnement est censuré par le Conseil d’Etat, qui juge que « le propriétaire d’un terrain justifie, en cette seule qualité, d’un intérêt lui donnant qualité pour agir devant le juge de l’excès de pouvoir contre les autorisations d’urbanisme accordées en vue de la réalisation de travaux sur son bien« .

Réglant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat apporte des précisions à sa jurisprudence Quennesson (15 févr. 2012), en jugeant qu’il résulte des dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-5 du Code de l’urbanisme « que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l’attestation du pétitionnaire qu’il remplit les conditions définies à l’article R. 423-1 […] ;

Qu’il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction de la demande de permis, la validité de l’attestation établie par le pétitionnaire ; que, toutefois, dans le cas où, en attestant remplir les conditions définies à l’article R. 423-1, le pétitionnaire procède à une manœuvre de nature à induire l’administration en erreur, le permis qui lui est délivré doit être regardé comme ayant été frauduleusement obtenu« .

En l’espèce, la fraude est bien constituée dans la mesure où le preneur du bail rural a attesté de sa qualité pour déposer une demande de permis de construire alors qu’il ne pouvait sérieusement prétendre ignorer, compte tenu du litige en cours avec le bailleur, l’opposition de ce dernier à la réalisation des travaux.

Source : AJDA, 43/13, page 2465