C.E. 30 mai 2001

Les juges du fond apprécient souverainement si un courrier est un recours gracieux ou non. En l’espèce, une lettre qui ne contient aucune demande de retrait du permis litigieux n’est pas un recours gracieux.

Note de M. Laurent TOUVET :

1. Les collectivités locales s’interrogent souvent sur la portée d’un courrier de protestation : s’agit-il ou non d’un recours gracieux contre une décision ? De la réponse dépend la date à laquelle la décision devient définitive.

La question n’est pas si simple puisque les juridictions se trompent elles-mêmes parfois, comme le montre la décision SCI LES JARDINS DE MENNECY, où tribunal administratif, cour d’appel et Conseil d’Etat ont alterné sur cette question.

Le Conseil d’Etat rappelle qu’un recours gracieux n’est formé que si le courrier demande le retrait d’une décision administrative. On ne résout pas ainsi toutes les difficultés puisque certaines expressions employées par des administrés malhabiles peuvent laisser place à une hésitation. Le juge administratif est, dans l’ensemble, bienveillant : sont des recours gracieux les demandes telles que « je voudrais que cette décision soit annulée ». Nous hésiterions devant des formules plus ambiguës telles que « cette décision ne peut pas subsister » ou « il faut repartir à zéro » ou encore « ce dossier doit être recommencé » : la demande de retrait n’est pas clairement exprimée.

2. La décision SCI LES JARDINS DE MENNECY juge aussi que cette appréciation de l’existence ou de l’absence d’un recours gracieux relève des juges du fond. Le juge de cassation ne censurera qu’une éventuelle dénaturation, ce qu’il faut d’ailleurs en l’espèce. La question n’est pas aisée. Certes la nature de recours gracieux commande la recevabilité d’un recours contentieux, ce qui devrait conduire à un contrôle du juge de cassation. Mais on peut dire aussi qu’il ne s’agit que de lire les mots d’un courrier pour y chercher les mots « retirer » ou « annuler », auquel cas le juge de cassation ne sanctionne que les erreurs qu’il estime grossières, en usant de son contrôle de la dénaturation.

Source : BJDU, 2001 n° 4 page 297