Prorogation du délai de recours contentieux : une simple lettre n’est pas un recours gracieux.
Note de Monsieur Luc DEREPAS :
Le maire de Mennecy avait délivré un permis de construire à la SCI LES JARDINS DE MENNECY le 3 février 1993. Ce permis avait été affiché à la mairie le même jour et sur le terrain le lendemain. L’article R.421-39 du Code de l’urbanisme prévoit que le délai de recours à l’encontre d’un permis de construire commence à courir à compter du dernier de ces deux affichages. En l’espèce donc, ce délai de deux mois avait commencé à courir le 4 février 1993.
Le 17 mars 1993, l’Association pour la sauvegarde de la sécurité, de l’environnement et du patrimoine du vieux Mennecy envoya une lettre au maire de Mennecy, dans laquelle elle l’interrogeait sur d’éventuelles méconnaissances du plan d’occupation des sols entachant le permis de construire délivré à la SCI LES JARDINS DE MENNECY. L’association a formé un recours pour excès de pouvoir contre ce permis le 4 mai 1993. Présenté plus de deux mois après le point de départ du délai de recours, ce recours n’était recevable que si la lettre du 17 mars avait eu pour effet de conserver ce délai. Telle fut l’opinion de la cour administrative d’appel, qui fit droit à la demande d’annulation de l’association. Le Conseil d’Etat a toutefois censuré cet arrêt en jugeant qu’en regardant la lettre de l’association comme un recours gracieux, la cour avait dénaturé les faits de l’espèce.
Cette décision est intéressante sur deux points.
D’une part, elle signifie que la qualification de recours gracieux susceptible de conserver le délai de recours contentieux relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
D’autre part, elle précise les contours de la notion de recours gracieux, en ajoutant un nouvel élément à la liste des documents auxquels cette qualification est refusée : ne constituent pas un tel recours une demande d’avis (CE, 3 décembre 1975), des observations relatives aux conséquences de la décision en cause (CE, Sect., 21 octobre 1960), ou une demande tendant à connaître les motifs d’une décision (CE, 5 décembre 1990). Par la décision SCI LES JARDINS DE MENNECY, le Conseil d’Etat ajoute à cette liste les lettres se bornant à interroger l’administration sur des irrégularités dont serait éventuellement entachée la décision attaquée.