Le Conseil d’Etat vient de juger que les Commissions d’Equipement Commercial, lorsqu’elles examinent un projet de création ou d’extension de magasins à grande surface, doivent veiller au respect par ce projet des règles qui ont pour objet de préserver le libre jeu de la concurrence, telles que celles prévues par l’ordonnance du 1er décembre 1986, reprise au Code de Commerce.
En particulier, le projet ne doit pas être de nature à présenter un risque d’abus de position dominante.
Note :
La solution est inédite. Elle constitue l’application de la jurisprudence issue de l’arrêt « Million et Marais » considérant que les actes administratifs doivent respecter le droit de la concurrence (CE 3-11-1997) : les décisions des commissions d’équipement commercial constituent de tels actes et il s’ensuit que les projets d’ouverture ou d’extension de grandes surfaces doivent être conformes au droit de la concurrence.
Ils peuvent donc être déclarés valables au regard des règles d’équipement commercial, mais écartés en raison d’un risque d’entrave à la concurrence.
Il est conseillé aux entreprises qui soumettent un projet à la commission départementale d’ajouter à leur dossier de demande d’autorisation, dont le contenu est réglementé par le décret du 9 mars 1993 et l’arrêté du 12 décembre 1997, toutes les pièces nécessaires à une analyse de l’état de la concurrence sur le marché concerné par le projet.
On notera à cet égard que la notion de marché dit « pertinent » au sens du droit de la concurrence, dont la détermination est un préalable indispensable pour rechercher une situation de position dominante, recoupe, lorsqu’elle est appliquée au secteur de la grande distribution, celle de zone de chalandise au sens de la réglementation de l’équipement commercial.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat avait à se prononcer sur la validité d’un projet présenté par le groupe Promodès-Carrefour consistant en l’ouverture à Caen d’un ensemble commercial d’environ 2.700 m² comprenant un supermarché et une galerie marchande.
Or, les pièces du dossier, qui contenaient un arrêté du Ministre de l’économie autorisant, sur avis du Conseil de la concurrence, l’acquisition par Carrefour de Promodès, avaient montré que si, avant leur rapprochement, Carrefour et Promodès disposaient de plus de 60 % des grandes surfaces sur le marché pertinent de l’agglomération de Caen, Carrefour ne disposait plus, après la fusion avec Promodès et à la suite de la cession de plusieurs magasins, que d’environ 25 % de la totalité des grandes surfaces commerciales à l’intérieur de la zone de chalandise du projet, laquelle correspondait à la partie ouest de l’agglomération de Caen. Le projet n’était donc pas susceptible de conférer à Carrefour une position dominante sur la zone.