La légalité des autorisations de cinémas multiplexes est appréciée comme en matière de grande distribution.
Note de M. Fernand BOUYSSOU :
Les deux arrêtés commentés, rejettent le recours dirigé contre deux autorisations délivrées par la Commission Nationale d’Equipement Commercial, statuant en matière cinématographique, respectivement accordées pour un multiplexe de 1.498 places à Salon de Provence et pour un multiplexe de 1.999 places à Villeneuve Les Béziers.
Ces arrêts transposent très exactement la jurisprudence intervenue, au cours de l’année 2002 notamment, en matière de contentieux des autorisations de CNEC portant sur la grande distribution.
On sait que la loi du 5 juillet 1996, souvent appelée loi Raffarin, a soumis l’ouverture de multiplexe cinématographique à une autorisation délivrée, comme en matière de grande distribution depuis la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat du 27 décembre 1973, par une Commission Départementale (CDEC), relevant en appel d’une Commission Nationale (CNEC).
Cette autorisation, en matière cinématographique, est régie par les mêmes principes que l’autorisation délivrée aux grands magasins.
Avant que la loi de Nouvelles Régulations Economiques, du 15 mai 2001, qui a abaissé à 800 places de cinéma le seuil d’exigibilité de l’autorisation (précédemment ce seuil était de 2 000, puis 1 500, puis 1 000 places), n’ajoute aux autres critères de l’autorisation les engagements en matière de programmation de films, la loi du 5 juillet 1996 ajoutait aux critères classiques en matière de grande distribution (concurrence saine et loyale ; satisfaction des besoins des consommateurs ; développement de l’emploi, animation de la vie urbaine et rurale ; essor des différentes formes d’entreprises en évitant qu’une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l’écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l’emploi ; prise en compte de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la qualité de l’urbanisme) en matière cinématographique les paramètres suivants, que reprennent les deux arrêts commentés :
- l’offre et la demande globales de spectacles cinématographiques en salle dans la zone d’attraction concernée ; la densité d’équipement en salles de spectacles cinématographiques dans cette zone ; la nature et la composition du parc des salles ; l’effet potentiel du projet sur la fréquentation cinématographique, sur les salles de spectacles de la zone d’attraction et sur l’équilibre souhaitable entre les différentes formes d’offre de spectacles cinématographiques en salles ; la préservation d’une animation culturelle et économique suffisante de la vie urbaine et l’équilibre des agglomérations ; les efforts d’équipement et de modernisation effectués dans la zone d’attraction et leur évolution récente, ainsi que les investissements de modernisation en cours de développement et l’impact du projet sur ces investissements.
Pour l’examen contentieux des autorisations délivrées, le Conseil d’Etat reprend littéralement la formulation de son arrêt d’assemblée du 14 mai 2002 (SA Guimatho et SA Dijori) qui donne la primauté au critère de la densité (en rappelant implicitement que la délivrance de l’autorisation est le principe), mais que les autres motifs prévus par la loi peuvent justifier la légalité de l’autorisation, alors même que la densité moyenne des commerces de même nature dans l’ensemble du pays est dépassée.
Le Conseil d’Etat reprend ainsi son considérant de principe, avec la légère transposition qu’appelle le domaine du cinéma :
- considérant que, pour l’application de ces dispositions combinées, il appartient aux commissions d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone d’attraction concernée, l’équilibre recherché par le législateur et, dans l’affirmative, de rechercher si ce déséquilibre est compensé par des effets positifs que le projet peut présenter au regard notamment de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements cinématographiques et, plus généralement, de la satisfaction des besoins de la population.