C.E. 3 Mars 2004

Amiante : la responsabilité de l’Etat est reconnue par le Conseil d’Etat.

« Si, en application de la législation du travail désormais codifiée à l’art. L. 230-2 du Code du Travail, l’employeur a l’obligation générale d’assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité, il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu’ils manipulent ou avec lesquels ils sont en contact, et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques, au besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et si possible éliminer ces dangers.

En relevant, d’une part, que le caractère nocif des poussières d’amiante était connu depuis le début du XXème siècle et que le caractère cancérigène de celles-ci avait été mis en évidence dès le milieu des années cinquante, d’autre part, que, si les autorités publiques avaient inscrit progressivement, à partir de 1945, sur la liste des maladies professionnelles, les diverses pathologies invalidantes voire mortelles, dues à l’exposition professionnelle à l’amiante, ces autorités n’avaient entrepris, avant 1977, aucune recherche afin d’évaluer les risques pesant sur les travailleurs exposés aux poussières d’amiante, ni pris de mesures aptes à éliminer ou, tout au moins, à limiter les dangers liés à une telle exposition, la cour administrative d’appel s’est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui, en l’absence de dénaturation, ne peut être utilement discutée devant le juge de cassation.

En déduisant de ces constatations que, du fait de ces carences dans la prévention des risques liés à l’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante, l’Etat avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité, la Cour n’a pas entaché son arrêt d’une erreur de qualification juridique ».

Source : Dalloz, 8 Avril 2004 page 973