Pour décider si des espaces sont « proches du rivage« , il faut examiner non seulement la distance qui les en sépare mais aussi s’ils sont visibles de la mer et s’ils en sont ou non séparés par des espaces déjà urbanisés.
Le permis de construire qui autorise 240 logements répartis en 34 bâtiments à proximité des marais salants de Guérande est, compte tenu des caractéristiques de l’ensemble immobilier et du caractère exceptionnel du site, entaché d’erreur manifeste.
Note de M. Jean-Claude BONICHOT :
Le Conseil d’Etat a jugé à plusieurs reprises que les dispositions qui limitent l’urbanisation des espaces proches du rivage sont applicables même en secteur urbain. Cette interprétation de la loi n’allait pas de soi.
Toutefois, le juge administratif tient compte de ce que l’extension « mesurée » ne peut à l’évidence avoir le même sens selon que le terrain en cause est en agglomération ou non. Il prend donc en compte non seulement l’importance en termes de surface mais aussi l’implantation et la destination des bâtiments. Encore faut-il déterminer si les terrains en cause doivent être considérés comme « proches du rivage« .
La condition mise par la loi à l’application de la règle de la limitation de l’urbanisation est une seule condition de « proximité« . On pourrait donc être tenté de ne prendre en compte que la distance par rapport à la mer, ce qui serait d’ailleurs très simple, encore que le législateur n’ait pas pris la peine de donner sur ce point la moindre indication, ce qui est regrettable.
Mais la seule distance n’est pas un critère suffisant au regard des objectifs de la loi Littoral et, surtout dans les espaces urbains, sa seule prise en compte aboutit à des solutions déraisonnables. C’est pourquoi le Conseil d’Etat a toujours eu recours à un ensemble d’éléments pour déterminer si un espace doit ou non être considéré comme proche du rivage.
L’annulation de l’arrêt attaqué pour erreur de droit les fait bien apparaître : distance par rapport à la mer, covisibilité et, ce qui en pratique est essentiel, caractéristiques des espaces qui séparent celui en cause du rivage. C’est ainsi qu’on ne peut en règle générale regarder comme proche du rivage au sens de la loi un terrain qui en est séparé par une zone urbanisée, même si on ne peut exclure qu’il en aille autrement à cause du relief.
Un ensemble de terrains d’un peu moins de 8 ha situés à 800 m du rivage, dont ils ne sont pas visibles et dont ils sont séparés par une zone entièrement urbanisée, ne peuvent être considérés comme proches du rivage au sens de la loi. L’arrêt fait aussi une intéressante application de l’article R. 111-21. L’importante opération envisagée se situait sur des terrains immédiatement voisins des marais salants de Guérande. Il relève le caractère des lieux avoisinants, qui est évidemment un élément important de l’appréciation à porter : il s’agit d’un site « sensible et exceptionnel« .
Il examine ensuite le projet : son architecture rompt avec l’habitat avoisinant et les bâtiments de plus grande hauteur sont ceux qui donnent sur les marais. Le Conseil, suivant son Commissaire du Gouvernement, estime que le permis ne pouvait être légalement accordé dans ces conditions.