Saisi d’une demande tendant à la suspension d’un acte déclarant d’utilité publique la construction d’un ouvrage public, le juge des référés peut tenir compte de l’imminence des travaux pour estimer remplie la condition d’urgence posée par l’article L 521-1 du Code de justice administrative.
Note :
Par cet arrêt du 3 mai 2004 le Conseil d’Etat prend, pour la première fois, nettement position sur la possibilité d’utiliser le référé-suspension à l’encontre d’une Déclaration d’Utilité Publique (DUP).
Appliquant l’article L 521-1 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat rappelle que ce texte subordonne le prononcé d’une mesure de suspension à l’existence d’une situation d’urgence.
L’urgence est normalement reconnue si l’exécution immédiate de la décision est de nature à préjudicier gravement au requérant ; il peut toutefois en aller autrement dans les cas où une mesure de suspension entraînerait des conséquences excessives du point de vue de l’intérêt public.
Dans l’affaire soumise au Conseil d’Etat par la voie d’un recours en cassation, le juge des référés s’était fondé sur l’imminence des travaux pour déclarer remplie la condition d’urgence.
L’administration soutenait que l’utilisation de ce critère révélait une erreur de droit.
L’arrêt écarte ce moyen de rappelle, pour le reste, que le juge des référés apprécie souverainement l’existence d’une situation d’urgence.
Alors même que la DUP n’a pour objet direct que le transfert de propriété, l’imminence des travaux a été jugée pertinente.
L’approche ainsi retenue implique logiquement qu’à la suite de la suspension de la DUP, l’administration devra interrompre les travaux jusqu’au jugement de l’affaire au fond.
Elle paraît de nature à conférer une plus grande efficacité aux recours contentieux exercés dans cette matière.
Il faut cependant souligner qu’un long délai sépare souvent l’intervention de la DUP du début des travaux.
Tout indique qu’une demande de suspension présentée alors que l’acte vient d’être pris et que l’administration doit encore procéder à l’enquête parcellaire ne serait pas regardée comme justifiée par l’urgence.
En revanche, on peut penser que l’urgence est susceptible d’être reconnue, au cas d’espèce, dès le moment où l’intervention des ordonnances d’expropriation devient imminente ; elle aurait alors pour effet de paralyser le transfert de propriété.
Cependant, la prise en considération de l’intérêt public pourrait justifier le rejet de la demande de suspension, ou le prononcé d’une suspension partielle limitée à certains secteurs.