C.E. 3 mai 2002

Il ressort des articles L.130-1, R.123-22 et R.123-18 du Code de l’urbanisme que les espaces boisés classés ne constituent pas des emplacements réservés ; aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne s’oppose donc à ce que la totalité de la superficie d’un terrain, qui ne comprend pas d’emplacement réservé, soit pris en compte pour le calcul de possibilités de construction alors même qu’une grande partie de la parcelle est classée au POS de la commune parmi les espaces boisés à conserver.

Note de M. Patrice CORNILLE :

Voici un arrêt incontestablement important, qui était très attendu.

Il sera publié au Recueil Lebon et sera sans aucun doute abondamment commenté.

La décision « M. et Mme Cardon » confirme l’exactitude de l’opinion doctrinale selon laquelle il y a bien une distinction à opérer entre la constructibilité d’un terrain et le droit de construire effectif attaché audit terrain.

Dans notre décision, le Conseil d’Etat décide que le COS s’applique à la totalité de l’unité foncière objet du projet, et non déduction faite de la fraction de la propriété classée en espace boisé (C. urb., art. L.130-1).

Les faits de l’espèce sont assez simples. Le propriétaire d’un terrain supportant déjà un bâtiment, situé en zone NA d’une commune dotée d’un POS et prévoyant un COS de 0,15 obtient un permis de construire pour l’agrandissement de son bâtiment. L’augmentation de surface est autorisée en application du COS prévue dans la zone à la totalité de la superficie de l’unité foncière du pétitionnaire, alors que celle-ci dépend en outre d’une grande partie d’un espace boisé classé. Les voisins demandent l’annulation du permis ainsi obtenu, au motif qu’une grande partie de l’unité foncière est située en espace boisé classé et qu’elle est donc inconstructible (C. urb., art. L.130-1) ; ils prétendent qu’un espace boisé classé doit donc être assimilé à un emplacement réservé également inconstructible (C. urb. Art. L.123-1-8°) ; les voisins en déduisent que la surface de l’espace boisé classé doit donc être déduite de la superficie de l’unité foncière pour le calcul du COS, puisqu’en matière d’emplacement réservé ce n’est qu’en cas de cession gratuite de l’emplacement à la collectivité qu’il est possible pour le pétitionnaire d’obtenir un report de COS sur la partie conservée par lui (C. urb., art. R.123-22).

Tout l’intérêt du présent arrêt est de confirmer que le syllogisme laborieux qui précède n’est pas pertinent.

Le Conseil d’Etat confirme la solution retenue par les juges dans la même affaire (CAA Lyon, 19 juillet 1996).

C’est aussi la concrétisation explicite de la différence de nature entre le régime des espaces boisés et classés et des emplacements réservés (CE, 14 novembre 1984).

Il est extrêmement utile que le Conseil d’Etat fixe ainsi définitivement le droit applicable sur une question qui était jusqu’ici très controversée.

Source : CONSTRUCTION-URBANISME, juillet 2002 page 20