C.E. 3 juin 2002

L’absence d’octroi d’une autorisation de CDEC préalablement à la délivrance d’un permis de construire n’entache pas cette dernière autorisation d’un doute sérieux quant à sa légalité, lorsque le projet consiste, après démolition d’une surface de vente de 464 m2 à la construction sur les mêmes parcelles d’un bâtiment d’une même surface de vente, et alors même que la nouvelle construction est implantée sur les anciens parkings du bâtiment démoli.

Note de M. ROUSSEAU :

Nul n’ignore que la construction d’une surface commerciale de vente de produits au détail nécessitant l’octroi d’une autorisation d’urbanisme commercial en vertu de la loi du 27 décembre 1973 modifiée, ne peut donner lieu à la délivrance d’un permis de construire qu’à la seule condition que l’autorisation de CDEC ait préalablement été obtenue.

Ce principe ne fait véritablement l’objet de difficulté que lorsque le projet de construction figure à la marge du champ d’application de la loi susvisée.

Dans notre affaire, une société bien connue de vente au détail de produits alimentaires à bas prix, rachète à une autre enseigne une surface de vente de 464 m2.

Le bâtiment est entièrement démoli et une nouvelle surface de vente de 464 m2, également, sort de terre.

L’assiette de la nouvelle construction ne correspond pas précisément à celle du bâtiment initial puisque le magasin édifié se trouve précisément sur les anciens parkings de l’immeuble démoli.

Un recours pour excès de pouvoir est déposé par un voisin du projet, et doublé d’une requête en référé-suspension de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

Pour tenter d’obtenir la suspension des travaux, le requérant affirme que le projet de construction nécessite l’octroi préalable d’une autorisation de la CDEC et que cela constituerait un doute sérieux quant à la légalité du permis de construire.

Le Tribunal administratif de Caen rejette la requête et son ordonnance est confirmée par le Conseil d’Etat.

L’article 29 de la loi du 27 décembre 1973 soumet à CDEC la création d’une surface de vente supérieure à 300 m² et la réouverture d’une surface de vente à 300 m² dont les locaux sont demeurés inexploités pendant deux ans.

Le requérant affirmait quant à lui qu’il y avait eu démolition puis reconstruction d’une nouvelle surface de vente supérieure à 300 m², donc création.

La société défenderesse estimait, de son côté, que l’on se trouvait dans l’hypothèse de la reconstruction à l’identique d’une surface de vente et que, dans cette hypothèse, l’obligation préalable d’une CDEC n’est pas nécessaire.

Cette notion de reconstruction de surface de vente est d’origine purement prétorienne puisque la loi l’ignore parfaitement.

En effet, les juges du Palais Royal s’en sont saisi pour exonérer de CDEC les modernisations de bâtiments commerciaux qui, en terme de surface de vente, n’aurait aucune incidence sur la concurrence commerciale proprement dite dans la zone de chalandise considérée.

Le Conseil d’Etat dans un avis du 8 novembre 1994 a posé quatre conditions strictes pour que le projet de reconstruction entre dans le cadre de cette exonération jurisprudentielle : le nouveau bâtiment doit être reconstruit au même emplacement que l’ancien (sinon il serait assimilé à un transfert), il ne doit entraîner ni augmentation de la surface de vente, ni modification dans la nature des commerces, et, l’ouverture au public doit intervenir moins de deux ans après la fermeture de l’ancien magasin.

Cette position a été reprise par l’administration dans une circulaire du 16 janvier 1997.

Mais, le nouveau bâtiment a été édifié en lieux et place des parkings de la surface de vente initiale …

N’y a-t-il donc pas transfert, même pour quelques mètres ?

La Haute Juridiction a donc été contrainte de préciser ce que signifie reconstruire au même emplacement.

Exiger que les murs extérieurs de la nouvelle construction coïncident parfaitement avec ceux de l’ancienne serait à l’évidence une position aberrante et injustifiée.

Mais il ne faut pas non plus ouvrir la voie à un possible détournement de la législation consistant à confondre le transfert d’activité avec la reconstruction à l’identique dans une zone très proche.

Il y a là une question d’appréciation qui donne parfois aux contentieux de l’urbanisme tout son piment…

Source : Construction-Urbanisme, Déc. 2002 page 27